Manhattan Chaos, dans l’ombre de Miles Davis

Entre les 13 et 14 juillet 1977, New York a subi une panne d’électricité qui libéra les ombres. A part le quartier du Queens, toute la ville fut plongée dans le noir complet, et ce fut le plus grand pillage qui soit : 4000 personnes arrêtées et pour plus de 150 millions de dollars de perte pour les commerçants. Cet été là, David Berkovitz, alias Le fils de Sam (1), l’un des tueurs en série emblématiques de l’Amérique, sévissait dans les rues… Et c’est dans cette atmosphère particulièrement chargée que commence Manhattan Chaos de Michaël Mention, alors Miles Davis est aux prises avec ses propres démons…

Une nuit en enfer

En manque, le génial trompettiste de jazz sort enfin de son immense appartement où il végétait depuis deux mois. Il sort pour acheter sa came, direction Central Park, l’immense dépotoir. Supermarché de la défonce à ciel ouvert. Il y rencontre un bien étrange dealer à l’offre surdimensionnée. Sa came était-elle démoniaque ou trop coupée ? Toujours est-il que Miles Davis repart vers son appartement, mais le retour est très compliqué. C’est un véritable bad trip où tout ce qui l’a fondé dans sa musique même se présente à lui dans une succession de détours temporels d’abord déroutants, puis vraiment magiques.

black power

Retrouvant ce qui avait fait le sel de son roman Power (2), Michael Mention se sert de son personnage pour traverser une certaine histoire de l’Amérique : celle des afro-américains et de leur combat pour leur émancipation. Ainsi, on croise aussi bien les Black Panthers que le Ku Klux Klan, des ségrégationnistes, des petites frappes, et le tueur au calibre .44 fils de Sam, comme si cette nuit de chaos avait fait ressurgir tous les démons. Comme si l’année 1977 focalisaient toutes les tensions qui avaient construites l’Amérique.

La vie est si chiante… si tu ne la secoues pas, il ne s’y passe rien. C’est pour ça que j’ai autant expérimenté, jusqu’à ce que ça me dépasse. »

S’il s’agit d’abord d’une fiction, bien que fondée sur une lecture précise de la biographie et de la discographie du génial jazzman, Manhattan Chaos est aussi le sombre et magnifique portrait d’une ville, d’un homme, d’une époque et d’une ambiance. Un voyage d’une force rare car le rythme fou, le style prenant, l’invention et les faits réelles se mêlent pour le seul bien du lecteur !

Loïc Di Stefano

Michaël Mention, Manhattan chaos, 10/18, mars 2019, 216 pages, 7,10 eur

(1) Auquel Michaël Mention a déjà consacré un roman, Fils de Sam (Ring, 2014).

(2) Stéphane Marsan, avril 2018

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