Dictionnaire des mots haïssables, les mots du wokisme & Cie

Classer, trier, comprendre les mots. Samuel Piquet s’est donné pour mission de montrer ce que la société actuelle avait de perverse au travers du vocabulaire dont elle nous soulait, littéralement. Après ses articles et chroniques pour le journal Marianne, voici qu’il réunit, comme autant d’ennemis à connaître pour s’en protéger, les mots qui nous veulent du mal dans son Dictionnaire des mots haïssables.

Haïr des mots

En quoi un mot peut-il être haïssable, méritant donc d’être haï ? Certains (surtout à droite) ont été honnis parce qu’ils potaient la haine dans leurs mots. Mais les mots étaient-ils responsables ? Samuel Piquet se pose la question. Bien sûr, les mots viennent des hommes pour caractériser ce qui doit être communiqué, mais les mots ainsi fabriqués peuvent-ils en eux-mêmes porter une idéologie haïssable ?

C’est parce que la société actuelle est pour lui haïssable qu’il recueille les mots qui en sont autant de symptômes. Il veut « réhabiliter la haine » comme énergie visant à se protéger des mots qui l’agressent. On trouvera, entre autres, fact-check, matcher, grossophobie, validisme, végésexuels, collabite, débunker, wokefishing…

Inventer une société et ses mots

Quand une société voit une pensée aller trop vite contre son histoire même, alors les mots ne suivent pas. Il faut en inventer d’autres. C’est ce qui rend abscons par principe la « pensée » d’un Lacan, en son temps, et c’est ce qui aujourd’hui éloigne le commun des modes de pensée les plus actives, comme le wokisme et la théorie des genres. Qui, vivant tranquillement dans sa campagne, pourrait comprendre cette définition :

Matriarcat n f. Tentative d’empouvoirement (cf. Empouvoirement) des mères souhaitant rendre femmage aux sociétés dirigées par les mamans tout en dénigrant le rôle parental et la famille.

Un mot dont les termes servant à le définir doivent eux-mêmes l’être est sujet à caution. Il s’extrait du sens commun. Et ils forcent, du moins ils voudraient forcer ceux qui n’y trouvent pas intérêt, à s’exclure de la société. Parce que dorénavant, faisant fi de toute l’Histoire, la société doit se réduire à eux, à leurs injonctions, à leur sensibilité, leur sensiblerie.

Beaucoup d’emprunts à l’anglais, d’où vient le wokisme, origine de tous les maux. Mais surtout une langue qui se construit contre, et n’apporte rien et doit sans cesse circonvolutionner pour se définir.

Dictionnaire des mots haïssables est un ouvrage salutaire pour comprendre les mots actuels, leur non sens essentiel, et pour s’en défendre. Car Samuel Piquet insiste avec intelligence et un rien de malice sur leur vacuité. Les mots désignés ici comme haïssables sont dangereux parce qu’ils sont le résultat de la machination globale du prêt-à-penser, pour ne plus pouvoir penser du tout.

Loïc Di Stefano

Samuel Piquet, Dictionnaire des mots haïssables, Le Cherche midi, septembre 2023, 208 pages, 18,90 euros

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