Cicéron, le dernier défenseur de la République

Un spécialiste de la Rome politique

Auteur avec Danièle Roman d’une Histoire de la Gaule (Fayard, 1997), Yves Roman s’est fait remarquer d’un public de spécialistes en publiant Empereurs et sénateurs (Fayard, 2001) où il revenait sur la façon dont l’historiographie sénatoriale avait façonné l’image des césars, parfois en la déformait, et nous avait légué bien des poncifs. On lui doit aussi de biographies remarquables d’Hadrien (Payot, 2008) et de Marc-Aurèle (Payot, 2013). Il s’attache ici à la figure de Cicéron, autrefois analysée avec brio par Pierre Grimal dans la biographe qu’il lui consacra en 1986.  

Un « homme nouveau » et un conservateur

Il est paradoxal de voir combien Cicéron, issu d’une famille italienne de l’Arpinum et non de la nobilitas romaine et encore moins du patriciat, s’est fait le champion d’une vision conservatrice de la Rome républicaine, celle des Optimates, opposée à celle des Populares favorables à des réformes agraires et politiques. Il est pourtant ce qu’on appelle un homo novus, produit d’une stratégie qui a mené sa famille au cursus honorum, très éloigné donc des rejetons des grandes familles.

Le jeune Cicéron a cependant la chance d’être intelligent et éloquent, doué pour la philosophie dont il assimile les subtilités lors d’un séjour en Grèce. En tant qu’avocat, il ne perd jamais un procès. Et la seule cause qui vaille au fond la peine pour lui (il est assez vaniteux) est celle de la République. Et comme il réussit lors de son consulat à vaincre la conjuration de Catilina, il en sera donc le champion toute sa vie.

Un héros empêché ?

Son problème est qu’il sera toujours coincé, d’abord entre Pompée et César, puis entre Antoine et Octave. De fait, il se cantonnera de plus dans l’écriture : son de la République, retrouvé en partie au XIXe siècle, a eu par exemple un fort retentissement au sein des élites romaines. Et  pourtant, politiquement, Cicéron échoue et sa caste avec lui, d’abord avec la défaite de Pompée à Pharsale puis après la mort de César malgré ses efforts pour conseiller Octave. Profitons-en pour remarquer qu’Yves Roman, contrairement à certains de ces collègues, démontre que Cicéron n’a pas inspiré le futur Auguste et sa pratique du pouvoir après l’instauration du principat. Le parcours de Cicéron ne se termine pourtant pas en tout cas avec son exécution en -43 car son œuvre survit : il est par exemple admiré de Saint Augustin. Redécouvert à la Renaissance, éblouissant certains philosophes des Lumières, il en vient même à inspirer Churchill.

Cette biographie très riche est une occasion de découvrir un personnage au final fascinant.  

Sylvain Bonnet

Yves Roman, Cicéron, Fayard, octobre 2020, 432 pages, 24 eur

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