Sans casser d’e ?
Le troisième et dernier volet de la version cinématographique de la série Downton Abbey a pour titre original Downton Abbey: The Grand Finale, pour titre français Downton Abbey 3 : le Grand Final et pour titre québécois Downton Abbey : la Grande Finale. La différence entre ces deux derniers titres ne doit point surprendre. Les Québécois – même si leur parler est souvent assaisonné d’anglicismes – tiennent à marquer leur indépendance culturelle vis-à-vis de leurs voisins anglophones, américains et canadiens, mais aussi, d’une certaine manière, vis-à-vis de la France. Une loi interdit entre autres d’exploiter au Québec les doublages français made in France de films américains ; ces films font l’objet d’un doublage spécifique made in Quebec par des comédiens québécois. Et, très logiquement, les titres français et les titres québécois sont assez souvent différents eux aussi, les seconds refusant farouchement de reprendre tel quel le titre anglais original, comme cela arrive de plus en plus en France. Conjuring reste Conjuring en France, mais se nomme La Conjuration au Québec. De la même façon, l’épisode Dead Reckoning de Mission impossible est devenu au Québec Bilan mortel. (1)

Seulement, chose assez drôle à propos de Downton Abbey 3, les deux traductions, française et québécoise, tout en étant différentes, se rejoignent au grand rendez-vous des contresens. En féminisant l’ensemble, la Grande Finale, les Québécois font de ce chapitre ayant pour décor l’aristocratie britannique un match de hockey sur glace – assimilation quelque peu incongrue. En anglais, la différence entre final et finale est simple, parce qu’elle s’entend. Final, quand il s’agit d’une finale de tennis ou de football, se prononce fa-ï-nal, alors que finale – que nous avons ici dans le titre original – se prononce à peu de chose près fi-na-li.
Parce que, voyez-vous, Mesdames et Messieurs, ce finale n’est pas exactement de l’anglais, mais de l’italien. Il désigne le plus souvent la grande scène qui conclut un opéra. Et la forme correcte en français est la même. Nous devrions lire sur les affiches Downton Abbey 3 : le Grand Finale. Seulement, voyez-vous, Signore e Signori, la faute est si répandue que certains dictionnaires acceptent désormais la forme final pour désigner le finale d’un opéra ou d’un film. Car, hélas, la moral n’existe pas dans le domaine de la langue.
Profitons de l’occasion pour pester contre la tournure au final surgie il y a quelques années d’on ne sait quelle monstrueuse arrière-boutique et qui n’appartient pas à la langue française. Celle-ci dispose déjà de finalement, en définitive, tout compte fait, en dernier ressort, en dernier lieu. Mais nous ne nous faisons aucune illusion, au final, notre combat sera perdu, puisqu’il est perdu d’avance, ou, si vous préférez, à l’initial.
FAL
(1) Ajoutons que Quantum of Solace a été rebaptisé au Québec 007 Quantum, ce qui ne clarifie guère les choses, mais, présenté ainsi, Quantum n’a plus à être compris : c’est simplement le nom de l’organisation des méchants.