La sagesse des arbres d’Henry David Thoreau
On a souvent encensé la vie érémitique de Henry David Thoreau, perdu dans sa cabane au milieu d’une forêt primaire, telle qu’il la décrit lui-même, en 1854, dans son livre Walden ou la Vie dans les bois. Ce séjour ne dura que deux ans, deux mois et deux jours, il le qualifia d’« aventure philosophique et mystique ».

On oublie que sa cabane était en fait située à deux kilomètres de la petite ville de Concord où il naquit, et où vivait sa mère… Cynthia Thoreau était une femme énergique et directe, connue pour ses opinions aussi tranchées que celles de son fils. On a dit que c’était à cause de leur relation tumultueuse qu’il s’était réfugié dans sa cabane de Walden, en vue de prendre son indépendance. Il n’empêche : on peut se demander s’il ne lui apportait pas son linge à laver… C’est dans la maison familiale qu’il s’éteignit, en 1862.
C’est finalement dans ses livres que Thoreau gagna son indépendance : l’œuvre d’un auteur ne reflète pas obligatoirement sa vie, c’est d’ailleurs souvent pour s’en échapper qu’il écrit.
La sagesse des arbres est une compilation d’extraits de son journal consacrés à son amour des arbres. C’est dans la forêt que Thoreau rencontre une présence qu’il ne trouve pas ailleurs :
« Quand je passe près d’un rameau de saule, même le plus mince, qui se dresse au-dessus du carex (…) mon âme s’élève comme s’il s’agissait d’une oasis dans le désert »
Dirai-je que la vitalité des arbres, la capacité des racines à repousser après les catastrophes nourrit son propre élan vital ?
Dès les années 1850, ses congénères ne font pas que refouler les indiens, ils éliminent aussi les arbres. Thoreau ne mâche pas ses mots pour les qualifier : les bûcherons « violent », « rasent » des collines entières… « La coupe de cet hiver a atteint la moelle » des bois, écrit-il… à moins que ce soit celle de ses os ?
« L’homme civilisé considère le pin comme son ennemi. (…) Pour lui il ne vaut mieux qu’un champignon ».
… en effet il s’agit, déjà, de ladite « civilisation » agricole et industrielle en marche… On l’aura compris, les propos de Henry David Thoreau n’ont pas pris une ride !
Mathias Lair
Henry David Thoreau, La sagesse des arbres, traduit de l’anglais et préface de Thierry Gillybœuf, Rivages Poche, août 2025, 224 pages, 8,70 euros