Les Nuits rouges, l’acier de la colère par Sébastien Raizer
Rock et roman noir
Après un parcours d’éditeur et de critique spécialisé dans la culture rock (on lui doit des ouvrages sur Joy Division et U2), Sébastien Raizer vit désormais au Japon (ce qui lui a inspiré un éloge du Zen publié en 2017) et s’est lancé dans l’écriture de romans noirs. Il a connu un certain succès avec la trilogie de L’Alignement des équinoxes publiée de 2015 à 2017 à la Série noire. Il effectue aussi des travaux de traduction : citons la trilogie des Brillants de Marcus Sakey ou Tue-moi de Lawrence Block, publiés à la Série noire. Les Nuits rouges signent son grand retour au roman noir comme on va le voir.
À l’est, plus d’espoir
Les nuit étaient rouges comme l’acier en fusion qui éclairait de l’intérieur les carcasses noires des hauts-fourneaux. Martèlements, sifflements, hurlements industriels dans son crâne. Les nuits étaient rouges des fusées éclairantes brandies du crassier, qui illuminaient les visages charbonneux de la colère et du désespoir, les yeux luisant de l’angoisse.
De nos jours dans une ville d’un ancien bassin industriel réduit à la misère et aux aides sociales, on retrouve lors de travaux d’arasement le corps d’un ancien syndicaliste disparu en 1979. L’inspecteur Faas, ripoux notoire, et le commissaire Keller se mettent sur l’enquête. Dimitri, le fils du défunt aussi. Après avoir passé sa vie dans la came, il arrête, se sèvre et se replonge dans le passé. Il (re)découvre l’histoire de sa région, des luttes sociales des années 70 qui ont mené à un échec qui a plongé les gens dans le désespoir, l’alcool et la drogue. Dimitri va, armé d’un pistolet arbalète, commencer à remuer la merde, trouvant sur son passage un Faas décidé à maintenir le couvercle sur la marmite du passé.
Un roman noir de notre temps
Les Nuits rouges est un livre choc, parfois amer et désespéré, coup de poing aussi. L’auteur parle de notre monde post-industriel, de la misère sociale qui en découle, de ces gens qu’on ne veut plus voir et qui sont apparus sur certains ronds-points lors de la crise des Gilets jaunes.
Dans la lignée de grands romanciers des années 70 comme Manchette ou ensuite Quadruppani ou Jonquet, Sébastien Raizer réintroduit avec brio la critique sociale dans le roman noir. On lui en sait gré car il écrit remarquablement bien, introduisant même un peu de poésie dans une prose balistiquement impeccable. A lire, chers amis.
Sylvain Bonnet
Sébastien Raizer, Les Nuits rouges, Gallimard, « série noire », octobre 2020, 288 pages, 18 eur