Et que les barrières sautent ! l’autobiographie de Michael Caine

Michael Caine est un acteur aussi atypique qu’excellent. Il cumule, grosso modo, le même nombre de bons films et de navets. Incongruité qu’il assume avec sourire et sérénité. On ne saurait réussir à chaque coup. Tout en étant toujours actif à l’écran (Gentlemen cambrioleurs — dont il est la vedette — vient de sortir), il ne cesse d’écrire. À ce jour deux épais ouvrages que je vous recommande chaudement : What’s It All About ? et The Elephant to Hollywood. Plus Acting in Film, sorte de recueil de ses conférences, dont une partie est reprise dans Blowing the Bloody Doors Off: And Other Lessons in Life, paru en octobre 2018. Or seul ce dernier bénéficie d’une traduction française : Et que les barrières sautent ! Grâce au travail, au courage et à la clairvoyance des éditions Baker Street.

Ce titre, Et que les barrières sautent !, s’explique par l’ascension de Caine, parti de la classe ouvrière pour finir anobli par la reine. Il estime — à juste titre — que son parcours a participé, dans une faible mesure, aux changements des mentalités anglaises et à un relatif nivellement des différences de classe. Clairement : il est un exemple de réussite sans jamais trahir ses origines.

Mais son propos ne se veut jamais politique. Sous le prétexte de donner des conseils sur le métier d’acteur (et, un peu, sur la vie en général), Michael, comme il en l’habitude, narre une foultitude d’anecdotes dans lesquelles il n’est pas toujours le héros. Il revient sur les dates marquantes de sa carrière (essentiellement Alfie le dragueur, Zoulou et Ipcress danger immédiat) et sur certaines rencontres (dont celle avec John Wayne – l’anecdote sur les chaussures en daim ayant déjà été racontée par Roger Moore !). Caine dispose d’une excellente mémoire qui vient compléter un rare don d’observation.

Le tout avec son habituel humour. Car, tout en ayant acquis la renommée d’un excellent professionnel, Caine refuse de se prendre au sérieux jusqu’à devenir maître dans l’art de l’autodérision. En ce sens, il me fait penser à Jean Poiret, dont on a beaucoup dit qu’il maniait un humour à l’anglaise. Donc Michael ne se montre jamais pédant et toujours amusant. C’est un plaisir de le lire car on ne sait jamais d’où va jaillir la pique ni quand va survenir la chute. On peut seulement regretter que, pour certaines histoires les plus redoutables, il se refuse de citer les noms des protagonistes, préférant les protéger par « une grande star » ou « un acteur connu ». Quel risque aurait-il à balancer les noms, si ce n’est celui de ne pas passer pour un parfait gentleman ? Allez Michael, balance !

Michael Caine dans Zulu de Cyril R. Endfield (1964)

Ce livre ne possède pas véritablement de fil conducteur et semble plutôt suivre le bon gré et les humeurs de son auteur. Cela explique certaines répétitions, sans grande gêne. Il révèle surtout que Michael Caine est à la fois un excellent narrateur et un joyeux compagnon car il a apprécié bien des personnalités jusqu’à les fréquenter assidument. D’autant qu’il a connu certaines pointures (comme Sean Connery ou Roger Moore) à leurs débuts… Je crois qu’on lui doit cette anecdote significative (elle n’est pas dans le livre) : un grand acteur (anonyme !) américain est invité chez lui. Il s’étonne de la taille du salon et de la salle à manger. « Pour quoi faire ? » demande-t-il à son hôte. « Pour réunir mes amis », lui répond Caine. « Je n’aurais jamais assez d’amis pour remplir ces pièces ! » Michael, lui, les a…

Bref, il doit être un personnage plaisant à fréquenter. En tout cas, il est plaisant à lire et je ne peux que souhaiter que ses précédents ouvrages soient enfin portés à la curiosité du public français. Espérons que Baker Street continue dans cette voie.

Cette édition bénéficie d’une traduction de qualité ne souffrant que de quelques étourderies (Laurence Olivier devient Lawrence et la Metro-Goldwyn-Mayer se retrouve baptisé Metro-Goldwyn-Meyer) nullement dérangeantes. Enfin, à titre strictement personnel, je préfère la photo de couverture de l’édition anglaise à celle de l’édition française que je trouve un tantinet fadasse.

À revoir : L’Or se barre, Le Limier et L’homme qui voulut être roi. À éviter (sauf pour rire) : Les Dents de la mer 4, L’inévitable catastrophe et Le Dernier secret du Poséidon. En revanche, je ne suis pas aussi catégorique que Michael sur Ashanti… Quant à Gentlemen cambrioleurs, allez juger par vous-même !

Philippe Durant

Michael Caine, Et que les barrières sautent !, Baker Street, mars 2019, 327 pages, 21 eur

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