Athènes 403, démocratie et guerre civile

Un duo de brillants hellénisants

Maître de conférences à Panthéon Sorbonne, Paulin Ismard s’est fait connaître avec L’Evènement Socrate (Flammarion, 2013) et La Cité et ses esclaves (Seuil, 2019). Quant à Vincent Azoulay, directeur d’études à l’EHESS, il s’est fait remarquer avec une biographie de Périclès publiée par Armand Colin en 2010 et qui a obtenu le prix du livre d’histoire du sénat en 2011. Notre duo vient de sortir un livre bien singulier, Athènes 403. Et au fait que s’est-il passé au juste à Athènes en 403 ?  

Chorale athénienne

Au cœur de ce livre, on trouve l’idée qu’Athènes est un chœur. Un chœur envahi par la dissonance de la stasis, la guerre civile. Les deux historiens racontent ce moment particulier où Athènes, après sa défaite face à Sparte en 404 à l’issue de la guerre du Péloponnèse où elle perd son empire, voit la démocratie être suspendue par l’oligarchie des Trente, avec l’aristocrate Critias (celui qui a donné son nom à un livre de Platon) à sa tête. Pour raconter cet évènement et ses suites, les deux historiens ont choisi de former un chœur de dix personnes, certaines connues comme Critias, Socrate ou  Archinos grâce à des sources écrites, d’autres qu’on ne peut qu’entrevoir la grande prêtresse d’Athéna, Lysimachè. Certains sont des citoyens et d’autres non.  

Une démocratie fragile

En lisant ces pages, on découvre aussi une démocratie athénienne fragile, rejeté par ceux-là mêmes qu’elle a nourris, comme Critias. À travers lui se lit l’histoire d’une élite pour qui le peuple d’Athènes est dangereux et victime de ses passions. Reconnaissons qu’un épisode comme le procès des stratèges victorieux aux Arginuses face à la flotte spartiate, reconnus coupables d’avoir abandonné des rameurs naufragés, avait de quoi renforcer leurs préventions. L’oligarchie limita la citoyenneté à 3000 personnes, ce qui excluait plus de 10 000 athéniens. Face à l’opposition du peuple de la cité, métèques compris, l’oligarchie  perd cependant ce conflit et en 403 s’opère un retour à la normale sous la houlette du centriste Archinos (qui ne donnera d’ailleurs la citoyenneté qu’à un nombre très restreint de métèques). Pourtant les passions tardent à s’apaiser, comme le montre le procès de Socrate, accusé d’avoir corrompu la jeunesse (Critias était son disciple).

Voici un livre passionnant qui démontre que les risques de guerre civile sont sous-jacents à l’exercice démocratique.  

Sylvain Bonnet

Vincent Azoulay & Paulin Ismard, Athènes 403 une histoire chorale, Flammarion, octobre 2020, 454 pages, 25 eur

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