Signalements. Infanticide, pédophilie, maltraitante : tous complices

Née dans une famille dysfonctionnelle — terme policé pour ne pas dire des abrutis dégénérés et crasseux —, la petite Karine a eu la chance d’avoir une tante si extraordinaire d’amour et d’attention. Car rien de ce qu’elle vivra ne relève de la chance… Signalements, le témoignage poignant écrit par ce duo de femmes, est très difficile à lire, sans retenir ses larmes ou sa rage. C’est une leçon de vie. C’est un document qui restera, qui comptera.

Il faut le dire haut et fort en France nous ne protégeons pas assez les enfants des violences sexuelles et des violences familiales. »

Une enfance de souffrance

Ce que va subir la petite Karine dès son plus jeune âge est intolérable. Elle deviendra au fil du temps la servante de ses parents, faisant ménage, course et cuisine et ne recevant en contrepartie que des coups et des insultes. Elle gène le couple, perverti par une sexualité débridée et obsessionnelle. Une enfance délaissée et sans amour, qui fera naître des troubles de l’apprentissage lourds.

Le lecteur non prévenu devra prendre ses précautions avant d’entrer, sur les pas de la petite Karine, dans son enfer familiale.

« Comment s’est passé l’accouchent ? / — Il a bien fallu qu’elle sorte ! »

Le combat d’une vie

Laurence Brunet-Jambu, la tante de Karine, va comprendre vite et seule qu’il faut extraire la petite fille de l’influence de ses parents. Mais c’est difficile, car tout le monde nie, y compris la grand-mère qui protège son fils. Et bien sûr les parents. Le père, un homme violent et inculte totalement dominé par sa femme ; elle déjà emprisonnée pour avoir tué son premier enfant, à grands coups de couteaux, et que l’on décrit comme l’archétype de la pouffiasse… Mais leur union tient par une sexualité débridée et une commue crasse (1). Mais au fil du temps, le comportement de la gamine va changer, au fil des rendez-vous familiaux habituels (Noël, anniversaires…) et l’inquiétude laisse place à la certitude : la vie de la petite est en danger. Et quand la tante apprend que les parents accueillent comme un ami un pédophile notoire…

Alors Laurence Brunet-Jambu va tout sacrifier pour sortir sa nièce de cet enfer. Et à force d’acharnement elle va subir la haine injustifiée des officiers de justice, qui l’appellent « l’autre », « La sorcière »… On la menace, au sein même du Tribunal, et elle est forcée à se dédire, au risque d’être condamnée parce que ses signalements dérangent… Elle doit se battre contre les services qui devraient être à ses côtés. Se battre tout le temps pour sauver sa nièce.

Ce combat homérique d’une femme d’abord seule, puis accompagnée par de belles et fortes personnes (journaliste, amie, avocat, et bien sûr sa famille), est un modèle de pugnacité et de raison. Combien auraient courbé l’échine ? Combien aurait été moins stratégique et se seraient laissés enfermer dans la haine et la violence ?

Déni de justice

Seul espoir après ce terrible livre, l’Etat a été condamné pour déni de justice, ainsi que les parents de Karine. L’espoir que cela n’advienne plus… Mais on connait beaucoup de témoignages et de graves dysfonctionnements des services sociaux, comme dans l’affaire Tim Guénard.

Ce combat est une lourde accusation — avec les noms ! — de tous ceux qui ont préféré leur confort plutôt que de combattre pour une petite innocente. Ceux qui ont regardé à côté, préférant donner foi à de faux certificats médicaux plutôt qu’à ce qui était criant de vérité. Ceux qui ont volontairement, par bêtise, méchanceté ou incompétence, laissé des bourreaux libres de maltraiter et d’abuser de leur propre enfant, de la vendre, de l’abandonner des journées entières à la rue… C’est un réquisitoire douloureux mais juste contre les institutions qui ont failli. C’est une charge violente contre la justice quand elle est laissée aux mains d’hommes et de femmes profondément mauvais et injustes, imbus de leurs prérogatives et éloignés de l’humain.

Un mot pour conclure : merci Madame pour ce témoignage incroyable. Merci pour votre force. Merci pour les nouveaux combats que vous menez et la foi en l’humanité que vous inspirez.

Loïc Di Stefano

Laurence Brunet-Jambu et Karine Jambu, Signalement, Ring, octobre 2019, 333 pages, 18 eur

(1) On se croirait dans un mauvais cauchemar de Mattias Koping, mais c’est une terrible vérité…

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