Sophie de Habsbourg, une femme de tête

L’historien des Allemagnes

 

Professeur émérite à l’université Paris IV, spécialiste de l’histoire du monde germanique, Jean-Paul Bled est aussi un biographe talentueux : ainsi les vies de François-Joseph (Fayard, 1987), Bismarck (Perrin, 2010), Frédéric le Grand (Fayard, 2004), François-Ferdinand (Tallandier, 2012) sont passés sous son scalpel pour le plus grand plaisir de l’amateur. Il était logique, vu son long compagnonnage avec l’histoire des Habsbourg, qu’il s’intéresse un jour à la figure de Sophie, mère de François-Joseph et donc belle-mère de la mythique Sissi.

 

Une figure d’autorité

 

Lire cette biographie permet de démontrer le rôle essentiel des femmes dans la monarchie des Habsbourg. Sophie, née princesse Wittelsbach (dynastie régnant en Bavière), est marié à un fils de l’empereur François (le beau-père de Napoléon), François-Charles, plutôt faible de caractère. Sophie, femme intelligente et de caractère, profondément attachée au système impérial, joue un rôle déterminant en 1848 pour défendre le trône et le transmettre des mains du débile Ferdinand à François-Joseph, son propre fils. Catholique, attachée à l’ordre, Sophie conseille son fils désormais empereur et. s’attache donc à lui chercher une épouse.

 

Sissi, son ennemie intime

 

La légende noire de Sophie de Habsbourg est due principalement à l’épouse de son fils, Elisabeth dite Sissi. On ne reviendra sur l’histoire du couple impérial (pour le coup, Jean des Cars y a consacré un très beau livre tout récemment). A la suite de Jean-Paul Bled, on notera que les deux femmes ne peuvent que s’opposer : l’une s’est vouée à la vie de cour, à la représentation permanente, sait qu’elle ne s’appartient plus alors que l’autre n’a de cesse de fuir Vienne, sa vie d’impératrice pour se retrouver. Le journal de Sophie, rédigé en français (à l’époque langue des élites européennes), ne laisse que peu transparaître cette rivalité. Car Sophie dévoile que rarement son intimité, sauf quand elle perd son fils Maximilien, l’infortuné empereur du Mexique, fusillé par les troupes de Juarez en 1867. Elle ne s’en remettra jamais complètement.

 

Le témoin d’un monde qui disparaît

 

La tragédie de Sophie de Habsbourg n’est pas de ne jamais avoir été impératrice. C’est de voir son monde disparaître peu à peu, de voir les idées libérales triompher des vieilles valeurs aristocratiques, de contempler son fils accepter avec la Hongrie le compromis de 1867 qui fonde le dualisme hongrois (des hongrois qui, commandés par Kossuth, avaient failli l’emporter contre la monarchie en 1849). Et puis il y a la défaite de Sadowa qui chasse les Habsbourg d’Allemagne et préfigure le IIe Reich proclamé dans la galerie des glaces de Versailles en 1871. L’Autriche fut aussi une grande perdante de la guerre franco-allemande de 1870-71. Sa vie, Sophie de Habsbourg l’a affronté avec dignité et stoïcisme.

 

Une excellente biographie qui permet de faire la lumière sur une figure bien méconnue.

 

Sylvain Bonnet

 

Jean-Paul Bled, Sophie de Habsbourg, Perrin, janvier 2018, 303 pages, 23 euros

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