Spillzone, tome 1

En évoquant de la zone d’exclusion de Tchernobyl, Spillzone construit tout à la fois un récit d’anticipation et d’exploration avec des éléments fantastiques. Une petite merveille proposée par Rue de Sèvres qui mérite largement votre attention !

 

 

 

Il y a quelques années, aux États-Unis, une petite ville de Poughkeepsie dans l’État de New York est frappée de plein fouet par une catastrophe totalement extraordinaire. On ignore exactement de quoi il s’agit : invasion extra-terrestre ? Faille inter-dimensionnelle ? Les rares survivants n’en parlent jamais. Depuis, la zone touchée est devenue totalement interdite. Rares sont ceux qui savent ce qui s’y trame. Tout au plus sait-on que les règles de la réalité n’y sont plus tout à fait les mêmes… Les parents de la Addie font partie des victimes. La jeune fille tente de se remettre de la catastrophe et survit avec sa petite sœur. Pour payer les factures, Addie s’infiltre dans la zone interdite pour ramener des clichés qu’elle revend au plus offrant. Chaque incursion dans la zone est une aventure particulièrement risquée. Jusqu’au jour où le gouvernement prend contact avec Addie pour lui confier une mission d’un genre très particulier…

 

 

Incursions en zone interdite

Ne vous fiez pas à l’aspect visuel de Spillzone. À cause du style franco-belge de la couverture, de nombreux libraires ont classé cet album dans le rayonnage « bande dessinée pour enfants ». Grosse erreur. Spillzone s’inspire évidemment de la catastrophe de Tchernobyl. Depuis de nombreuses années, des personnes s’aventurent dans la zone contaminée pour explorer les lieux, observer la nature reprendre ses droits ou comment la radioactivité affecte les êtres vivants. Il y a dans Spillzone cette idée, particulièrement bien traitée par Scott Westerfeld et Alex Puvilland. Les deux artistes rendent les incursions d’Addie dans la Zone palpitantes, avec un traitement graphique original. Mieux encore, on comprend vite que la Zone est peuplée de créatures dangereuses mais aussi d’autre chose d’encore plus monstrueux. On évitera de spoiler pour vous laisser le découvrir.

 

 

Spillzone, un récit riche et profond

Spillzone est aussi un récit d’anticipation à tendance réaliste. Le scénariste Scott Westerfeld enrichit l’intrigue de Spillzone et approfondit son background. Que ce soit à travers les militaires qui gardent cette étrange zone ou via les clients d’Addie, prêt à payer très chers pour acquérir des « bouts » d’une réalité devenue interdite. De l’attrait de l’interdit, évidemment. Mieux, Westerfeld glisse aussi un pointe d’émotion avec la relation compliquée entre Addie et sa sœur, traumatisée par la disparition de ses parents. Bref, Spillzone joue sans aucune difficulté sur plusieurs plans narratifs et cela fonctionne à merveille.

 

 

Un traitement graphique original

Le dessinateur français Alex Puvilland donne à Spillzone une patte graphique originale. Il aurait pu choisir un style sombre, mais au contraire il fait de cette bande dessinée un objet globalement lumineux et coloré. Ce qui au final renforce à la fois l’originalité et l’étrangeté de l’histoire. Au-delà de la partie purement « exploration », il y a des passages inquiétants et surnaturels. Cette palette de couleurs insolite attise notre curiosité tout au long d’un récit admirablement mené. Autant dire que je suis très curieux de lire la suite de cette petite pépite…

 

Stéphane Le Troëdec

 

Scott Westerfeld (scénario) et Alex Puvilland (dessin), Spillzone, tome 1, Rue de Sèvres, mai 2018, 212 pages, 16,00 euros

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