Westworld saison 2 : la confirmation

Après une première saison brillante, jouant des faux-semblants et des tensions narratives, la deuxième itération de Westworld était — pour le moins — attendue au tournant.
Des tonnes d’interrogations titillaient ainsi l’esprit des fanatiques de la série.

Questions, questions, questions…

Quid des hôtes-androïdes et de leur accession à la conscience ? Quid de William et de Bernard ? Qui est humain, qui ne l’est pas ?… ou plutôt qui devrait l’être et n’est l’est pas (plus) et qui le devient (trop) ?
La recette allait-elle changer (peu probable) ? Allait-on assister à une surenchère d’effets devenus des gimmicks répétés ad nauseam (détestable facilité… nombreux sont ceux qui y ont succombé) ?
Tremblez carcasses…

Foin de faux suspense et répondons derechef : non et non.

Respirons donc, car nous sommes joie et satisfaction.

 

 

La meilleure série SF des années 2010 ?

Peut-être bien. En tout cas, impossible pour votre serviteur de ne pas faire deux parallèles avec d’autres œuvres sérielles : Battlestar Galactica et The Man In The High Castle.
Je m’explique.
Ces trois séries, à mon sens, ont un point commun majeur : celui de dépasser et de transcender joliment le matériau d’origine.

Concernant BSG, ceux qui sont assez vieux se rappelleront avec un sourire en coin l’aspect très premier degré de la série originelle, déjà kitsch de son vivant, aspect littéralement dynamité dès les premières minutes du pilote du remake de 2004.
Finis les toges à paillettes et les sourires Colgate, BSG devient une série très sombre, filmée au plus proche de ses personnages, caméra à l’épaule, traversée par une brillante réflexion métaphysique et une violence inouïe, servie par un casting de haut vol.

 

 

The Man In The High Castle, est une série qui, tout en restant fidèle au matériau d’origine -le chef-d’œuvre de P.K. Dick- le « trahit » dans le même temps. Paradoxe ? Pas vraiment.
Tout en ne déviant jamais de la trame du roman, la série étend le champ de son récit au contexte historique, explore ce qui est évoqué dans le livre (l’occupation nazie et japonaise des U.S.A.), développe ses personnages et va au bout de la logique de son intrigue.

En digne héritière de ses prédécesseurs, Westworld réussit à faire tout cela, en dépassant, et de loin, le matériau originel.
En effet, le film de Michaël Crichton, s’il était certes fort distrayant, prenait grand soin de ne jamais explorer plus avant les implications sociales, politiques, philosophiques et métaphysiques, en se contentant de produire un film d’action assez réussi mais orienté grand public. Il n’empêche qu’on n’oubliera pas de sitôt la performance de l’immense Yul Brynner en automate létal, glacial et implacable, répandant la mort et la terreur parmi des humains désemparés.

 

 

Un chef-d’œuvre sériel

Ainsi, Westworld devient un œuvre à part entière, forte de la profondeur du sujet qu’elle s’est donné — qu’est-ce qui fait de nous des humains ? La mémoire ? L’empathie ? Le libre-arbitre ? — tout en restant un spectacle divertissant pour peu que l’on fasse abstraction des intrigantes interrogations sous-jacentes.

Réflexion sur la quintessence de ce qui fait l’humain, sur l’esclavage, sur la puissance de l’illusion qui vient fracasser notre rapport à la réalité, cette saison deux, en faisant des choix narratifs osés, redonne à la science-fiction ses lettres de noblesses, en allant piocher ses thématiques chez des auteurs majeurs des années 60 et 70, Dick, Brunner, Spinrad et Disch en tête.
En prenant le parti de s’appuyer sur une narration éclatée, mettant en abyme à la fois la confusion qui naît dans l’esprit du spectateur et les troubles psychologiques de Bernard égaré dans les méandres d’une mémoire fractionnée, on nous pousse à demander non pas « qui est Bernard, où est Bernard ? » mais « quand est Bernard ? ». Un tel jeu sur la temporalité est rarement réussi, mais ici la maîtrise est telle qu’on ne peut que se laisser mener par le bout du nez.
Si certes, certaines révélations sont attendues quant au sort de certains personnages (chut, point ne spoilerai-je), il ne faut pas bouder son plaisir face à l’effort constant des auteurs de poursuivre leur intrigue de manière originale et intelligente.

 

Un casting parfait ?

Impossible de finir cette chronique sans évoquer au moins deux acteurs.

Soyons galant et mentionnons d’abord la performance de Thandie Newton, parfaite en robot-mère macrelle de Saloon, femme forte, rusée et retorse, tenant d’une main ferme et douce ses filles tout en se montrant féroce dès qu’il s’agit de les protéger ; en mère bouleversante dans son autre « vie » d’hôte, qui voit sa fille mourir sous ses yeux ; enfin, en femme déterminée à retrouver cette vie volée par les humains, forte de sa liberté nouvelle et prête à tout pour atteindre son but.
L’actrice donne tout son potentiel en alternant retenue dans l’émotion, des scènes de rage explosive et d’angoisse parfois outrancières.

 

 

Mais celui qui surpasse ce casting toujours de qualité, c’est Ed Harris.
En véritable incarnation de la Faucheuse (écho du personnage de Yul Brynner ?), William l’Homme en Noir impose sa ténébreuse présence tout en silences, regards, sourires à peine esquissés, dont la cruauté, les gestes précis et déterminés mènent souvent à une issue fatale. Tout est juste dans son jeu, jamais trop, jamais trop peu, tout en donnant une élégance mortifère à ce personnage incarnant à la perfection une forme pure de mal absolu.

Si Battlestar Galactica était sans conteste possible LA série SF des années 2000, Westworld, si elle poursuit sur la voie qui est la sienne, sera sans nul doute celle de la fin des années 2010.
Rythme soutenu, Profondeur du propos, personnages passionnants, réalisation souvent virtuose, casting impeccable, tout est là pour donner à cette série feuilletonnesque une place de choix au panthéon des belles et grandes œuvres de son genre.

 

Eric Delzard

 

Westworld, série de science-fiction américaine, HBO, diffusée en France sur OCS.