Un été avec Rimbaud de Sylvain Tesson

Dans la série radiophonique « Un été avec… », plusieurs  grands écrivains comme Montaigne, Pascal ou Baudelaire, ont suscité des commentaires souvent pertinents, parfois enthousiastes, qui devinrent des livres à succès,  sous la plume d’Antoine Compagnon. Entre autres. Sylvain Tesson figure aussi au générique, et après avoir passé un été avec Homère, s’est lancé sur les traces de Rimbaud. De toute évidence le voyage lui a plu, car cet éternel itinérant qu’est Tesson a trouvé dans le poète un confrère à sa mesure. Sans doute, faut-il d’abord parler de voyage intérieur, baptisé Illuminations, mais plus encore « hallucinations, électrocution de l’œil, sans message engagé , ni toute cette ferblanterie du signifié, du signifiant, et autres grelots de Trissotin », écrit Tesson, qui n’est jamais si bon que lorsqu’il râle un peu. 

Le ton est ainsi donné, et il en sera ainsi tout au long de ce beau texte, parfois un peu ésotérique, à l’image de son modèle, mais savoureux de bout en bout, et tout en admiration communicative. « Un été avec Rimbaud » devrait être sous-titré « Une vie avec Rimbaud », car loin d’être un hôte de passage, le poète est un peu un ange gardien pour l’auteur, qui ne s’embarrasse pas ici de détails biographiques, mais nage avec aisance dans les courants d’une eau vive, si troublante que même les bateaux en sont ivres. 

l’humour et l’obscurité

Pour autant, Tesson s’accorde quelques détours par l’humour ou le clin d’œil, tels que « Longtemps, il a marché de bonne heure », ou plus loin « Londres sans Verlaine, c’est verveine ». Quand on a pisté le léopard des neiges pendant des heures, on peut traquer le bon mot, même et surtout s’il s’agit de Rimbaud. Car là encore, Tesson ne recule pas devant un sincère aveu : certains textes de Rimbaud sont alambiqués et broussailleux, et il confie « Nous ne comprenons pas exactement ce que cela veut dire ». Belle franchise qui rappelle que même Verlaine trouvait Rimbaud « un peu fumiste ». Mais Tesson s’en console, sachant qu’à leur façon, Mallarmé, Hugo ou Lautréamont, ont aussi leurs passages obscurs. 

En fait, l’essentiel du bouquin n’est pas là. Il est tout entier dans la meilleure connaissance de Rimbaud que nous avons en refermant le livre. De la qualité du texte de Tesson qui creuse au plus profond de la poésie rimbaldienne, sans jamais céder à une psychologie de sous-préfecture. Il est dans la recherche de cette énigme : 

Mystère de Rimbaud : postérité totale, minceur de la production. Dans le règne de la quantité, ce rapport disproportionné entre l’onde de choc, et la taille de la source, fonde une noble anomalie.

Effectivement, l’œuvre est mince, mais elle a pourtant « ébranlé le temple de la poésie ». 

Il faudrait tout citer, et on s’arrêtera là. Le poète a trouvé un lecteur passionné et passionnant. On dira seulement pour conclure que cet Eté avec Rimbaud donne surtout une furieuse envie de lire Rimbaud, ou de le relire, encore et toujours. 

Didier Ters

Sylvain Tesson, Un été avec Rimbaud, éditions Equateurs, mai 2021, 210 pages, 14,50 eur

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