Carnet d’adresses de quelques personnages fictifs de la littérature

« Je réinvente les carnets de travail de Flaubert ou Zola sillonnant Paris pour y loger leurs personnages »

La passion de la littérature, qui anime comme peu d’homme Didier Blonde, lui est venue en suivant les aventures d’Arsène Lupin. Jusqu’au jour où les pas du gentleman cambrioleur le conduisent à une adresse familière, à quelques pas de la sienne ! Ainsi le personnage de fiction avait-il une existence réelle ! Et que l’adresse soit réelle ou fictive, présente ou disparue dans la transformation de la ville, elle s’inscrit durablement dans l’histoire particulière de l’auteur et de sa ville. La formule « à nous deux maintenant » de Rastignac n’est-elle pas devenue, dans l’imaginaire collectif, « à nous deux, Paris » ? En lecteur passionné et passionné de Paris, Didier Blonde nous prend par la main et nous conduit, dans une promenade incroyable, dans son Carnet d’adresses de quelques personnages fictifs de la littérature.

« Une adresse me transforme en détective de l’imaginaire »

Le carnet d’adresses proprement dit présent un personnage, le roman où le découvrir, l’auteur qui l’a créé ainsi qu’une notice qui présente le personnage dans son cadre parisien. On rencontre ainsi Durtal (Huysmans), Charlus (Proust), Gervaise (Zola), César Birotteau (Balzac) ou Frédéric Morau (Flaubert). Mais aussi des plus contemporains comme Dutilleul (Marcel Aymé), Mathieu Delarue (Sartre), ou l’énigmatique homme qui dort (Perec). Et encore plusieurs auteurs qui ont une importance toute particulière pour Didier Blonde, comme Patrick Modiano, André Gide ou Muriel Barbery. Ainsi s’expose une belle histoire de la littérature française (et quelques étrangers, dont le Jean-Baptiste Grenouille de Patrick Süskind) dans les rues de Paris.

« Chacune de ces adresses me lance dans des rêveries infinies. »

Parfois, il s’agit aussi de rêver, de parcourir les non-dits d’une œuvre qui parfois laisse à l’imaginaire du lecteur le soin de finir un portrait. Ainsi de Marie Arnoux, « objet de culte, d’extase et d’adoration de a part de Frédéric Moreau » dans l’Education sentimentale de Gustave Flaubert.

Il me semble qu’en passant, comme Frédéric Moreau, sous les fenêtres du deuxième étage du 24 bis de la rue de Choiseul, j’en saurai plus sur Madame Arnoux, par ces coulisses de sa vie que Flaubert a laissées en blanc. / Car l’auteur n’a pas tout dit, et son héros poursuit seul son existence dans les marges du récit au milieu de son décor familier. Je prends sa création au mot, de la page je descends dans la rue pour constituer des archives apocryphes. J’enquête sur le terrain, j’effectue des repérages sur les lieux mêmes du romanesque en photographiant ce qu’il en reste.

Ces promenades parisiennes de Didier Blonde en quête d’une réalités des personnages fictifs de la littérature, forment un beau guide pour des errances parisiennes. Un beau guide, surtout, pour les amoureux de la littérature. Et bien plus : Didier Blonde « plaide pour une signalisation de l’invisible » et qu’on donne à des rues, des places, le nom de ces personnages imaginaires mais si réel. Quel beau Carnet d’adresses !

Loïc Di Stefano

Didier Blonde, Carnet d’adresses de quelques personnages fictifs de la littérature, L’Arbalète / Gallimard, mars 2020, 242 pages, 19 eur

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