The Haunting of Hill House, hantise de haute volée sur Netflix

Il arrive un moment dans la vie d’un spectateur, lecteur, auditeur assidu riche de ses expériences où l’on se dit qu’il sera difficile d’être encore pris par surprise, secoué et remué. Un peu comme un addict, finalement, ne recherche t-on pas toujours à renouveler cette première sensation du plaisir intense de la découverte, de cette attente fébrile qui met le cœur en chamade et fait trembler la pogne… en vain ? Autant le dire donc, je n’attendais rien de particulier de The Haunting of Hill House, si ce n’est de passer un bon moment devant une série d’épouvante, dont j’observerais, sûr de mon expertise, les mécanismes connus et reconnus, les chausse-trappes plus ou moins attendues, les montées en tensions classiques mais efficaces.

Je me trompais.

 

Amityville 2.0 ?

Vivre enfant dans une maison hantée est une expérience traumatisante. Ce qui l’est encore plus, c’est de devoir quitter la dite demeure de nuit, la terreur au ventre alors que votre mère est certainement morte dans des circonstances surnaturelles.
C’est qu’on expérimenté les enfants Crain dans Hill House, l’inquiétant et imposant manoir que leurs parents désiraient rénover et revendre au prix fort. Des années plus tard, ils doivent, une fois de plus, affronter cette sinistre bâtisse et ses secrets.
Construite de manière non-linéaire la série va donc, à grand renfort de flash-back, nous plonger dans l’histoire énigmatique de la famille Crain.

 

 

Famille je vous hais-me

Si, certes, The Haunting of Hill House fait usage — et fort habilement d’ailleurs — de tous les recours classiques de l’horreur c’est avant tout pour les faire siens, les utiliser de telle sorte que l’arrogant chroniqueur — vous savez celui qui sait tout — s’attende à une chose et qu’il en reçoive une autre, qu’il sursaute alors qu’il était si sûr qu’on ne la lui ferait plus, qu’il ne s’emballerait pas, ne tremblerait plus et ne sentirait point cette lourdeur dans sa gorge, cette poigne terrible, celle de l’émotion…
Alors oui, cette série est bien une série d’épouvante dans la plus classique acception du terme. MAIS, car il y a un mais, The Haunting Of Hill House est bien autre chose, en vérité.
C’est avant tout l’histoire d’une famille, d’une fratrie, brisée par le silence, l’abandon et le deuil, une famille que l’amour n’a pu vraiment sauver de ses fantômes.
Les adultes que sont devenus les enfants Crain sont des êtres abîmés et meurtris, brisés pour certains, comme Nell et Luke les personnages les plus touchants de cette histoire.

 

 

Non-dits, solitude et deuil

Figure principale de cette histoire, le père (Timothy Hutton et Henry Thomas), présent dans l’absence, bavard de son silence, la bouche scellée par la parole donnée lors de cette nuit fatidique, qui ne peut, ni ne doit dire la vérité à ses enfants.
C’est ce silence de tombe qui va petit à petit effriter ce qu’il reste de l’unité de la famille Crain, plonger le jeune Luke dans les bras de la mortifère héroïne, Nell dans la terreur de la hantise dont elle est victime (la Dame au Cou Tordu), Shirley, Steven et Théodora dans l’enferment émotionnel de leurs égoïsmes respectifs. « Ensemble mais seuls », telle pourrait être leur devise.

C’est encore ce silence paternel qui rend impossible le deuil de cette mère disparue, dont on ne sait si elle était folle, si elle a mis fin à ses jours, ou si quelque chose de bien plus sinistre s’est produit.

 

 

Inquiéter et émouvoir

La grande qualité de cette série réside dans le fait qu’elle parvient dans le même temps à inquiéter et émouvoir. Non pas émouvoir à grand coup d’un pathos dont peuvent être si friandes les écritures faciles et paresseuses mais de cette émotion qui s’installe lentement mais sûrement, qui monte au gré des épisodes, qui créé une empathie réelle et forte (comment ne pas aimer Luke et Nell ?) pour des protagonistes jouets de forces obscures dont on ne sait si elles sont hostiles ou simplement hors de leur entendement.


Éric Delzard

The Haunting of Hill House, série de fantastique américaine, saison 1, Netflix, 10 épisodes de 50 minutes environ

Adapté du roman de Shirley Jackson, The Haunting of Hill House, publié en français sous le titre La Maison hantée (Rivages, novembre 2016) dont recommande la lecture !

 

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