Un accent de vérité de Tristan Ledoux

Le titre de ce roman de Tristan Ledoux est inquiétant : la vérité ne serait-elle qu’une question d’accent ? Soit typographique, soit langagier. Pourtant, je peux l’affirmer pour l’avoir rencontré, bien que belge Tristan Ledoux n’a pas d’accent. Presque pas. Faut-il donc croire tout ce qu’il raconte dans son livre ? Serait-ce une autofiction ? Aurait-il, comme son narrateur, perdu un cahier où était consigné son prochain roman ?

Une fictive autofiction ?

Bien sûr, le narrateur-auteur sombre dans la mégalomanie propre à tout écrivain : il retrouve dans la vie réelle les événements décrits dans son cahier perdu. Serait-il prophète malgré lui ? Il serait prêt à le croire… Autre hypothèse : le voleur du cahier perdu s’en serait inspiré pour commettre certains de ses actes que l’on taira ici, afin d’en laisser la primeur au lecteur. 

Voilà donc un roman drôlement rocambolesque. Puisque le lecteur y trouvera de nombreux motifs d’hilarité. Un roman comiquement pervers car l’imagination du narrateur-auteur (que j’espère différente de celle de l’auteur, le vrai !)  ne connait pas de retenue, il croit retrouver dans la réalité ses fantasmes les pires… Voici un autoportrait, peut-être (pas ?), de l’écrivain : maladroit mais obsessionnel, mauvais père, maladroit en amour, quelque peu alcoolique, soit l’image-type du maniaque des lettres tel que l’imagine le bon peuple…

à moins que Tristan Ledoux nous confie ici un intime sentiment rencontré suite à une intense pratique de la fiction. Relevant la tête de sa page, quittant son imaginaire romanesque, on peut le voir happé par un trouble… une confusion : il ne retrouve plus le monde tel qu’il est. Il est pris d’un doute : tel qu’il est, vraiment ? Et s’il n’y avait pas grand-chose de réel dans cette réalité avec laquelle il était censé renouer ?

Ou la vérité vraie ?

Ainsi la pratique romanesque, pour son auteur mais peut-être aussi son lecteur, nous permettrait de voir la réalité d’un autre œil ; d’y discerner la fiction qui s’y est infiltrée. À savoir l’ensemble de nos croyances, de nos religions, de nos histoires familiales, nationales, etc. Tristan Ledoux est aussi philosophe, il aurait pu au moins invoquer le vieux Kant avec ses noumènes et phénomènes ou encore Lacan avec son impossible réel, son imaginaire et son symbolique, mais il n’a rien d’un cuistre, il préfère le gai savoir.

Rions, donc, et amusons-nous à nous perdre dans les dédales entre réel et fictionnel le temps d’une lecture !

Mathias Lair

Tristan Ledoux, Un accent de vérité, éditions Le Chant des Voyelles, août 2025, 224 pages, 20 euros

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