Les guerres d’Afghanistan, le piège
Avec le général Philippe Sidos, docteur en histoire et diplômé de l’INALCO, on peut dire qu’on dispose d’un témoin de premier ordre des opérations menées en Afghanistan : il a été en poste au Kazakhstan et au Tadjikistan. Il a également déjà publié La guerre soviétique en Afghanistan (Economica, 2016) où il revenait sur l’échec de Moscou. Ici, il veut peindre un tableau plus large.
Un pays au cœur du « Grand jeu »

Dès le XIXe siècle, ce pays musulman, morcelé entre tribus et ethnies (par exemple Tadjiks contre Pashtouns), attire les convoitises. Au nord, l’empire Russe est en pleine expansion tandis qu’au Sud, les Anglais de la compagnie des Indes dirigent la péninsule indienne. C’est d’ailleurs pour faire échec aux Russes que les Anglais envahissent l’Afghanistan et prennent Kaboul afin d’instaurer un régime ami : échec total sanctionné par la défaite de Gandamak en janvier 1842 qui voit l’anéantissement du corps expéditionnaire La deuxième guerre Anglo-Afghane a des résultats plus positifs pour Londres, dont l’armée enregistre pourtant des défaites. Les Afghans excellent dans l’art de la guérilla et bénéficient aussi d’une solidarité confessionnelle qui compense les rivalités tribales. Quant aux Russes, ils observent, menacent mais n’interviennent pas. L’Afghanistan ne sera donc jamais un protectorat européen.
De la défaite soviétique au piteux retrait américain
Philippe Sidos relate très bien les évènements survenus au XXe siècle, de la sortie de la tutelle anglaise en 1919 à l’intervention soviétique en 1979. Les rois afghans modernisent le pays mais un coup d’état renverse la monarchie en 1973 au profit d’une république de plus en plus prosoviétique, ce qui agace le voisin pakistanais (il y aurait un livre à écrire sur les complots menés depuis cette période par l’ISI, les services secrets pakistanais). Dès les débuts de l’intervention soviétique, Washington et Islamabad décident de saigner l’armée rouge en finançant et en armant les rebelles : ce sont les débuts de Ben Laden et d’un djihad financé par les Américains… Avant qu’il ne se retourne contre eux. Le régime prosoviétique de Najibullah s’effondrera en 1992, grâce aux efforts du mythique Massoud (dont le handicap est d’être Tadjik) mais les Talibans, soutenus par le Pakistan, pointent bientôt le bout de leur nef et s’emparent de Kaboul en 1996. Leur erreur est d’avoir accueilli Ben Laden et de n’avoir rien fait pour le gêner… En novembre 2001, suite au 11 septembre, les Américains renversent les Talibans grâce aux combattants de l’Alliance du nord. Mais, sur une vingtaine d’années, ils échouent au final à construire un état, commettent un certain nombre d’erreurs concernant la société afghane, s’aliènent des soutiens comme Hamid Karzaï… et en 2021, les Talibans reprennent le pouvoir avec une facilité déconcertante, après un retrait négocié des américains voulu par Trump ET Biden. Un désastre pour la condition des femmes. Une conclusion militaro-stratégique cependant : ne jamais chercher à envahir ce pays…
Excellente synthèse.
Sylvain Bonnet
Général Philippe Sidos, Les guerres d’Afghanistan, Perrin, mai 2025, 496 pages, 25 euros
