Trois cartouches pour la Saint-innocent de Michel Embareck

S’emparant de l’affaire Jacqueline Sauvage, Michel Embareck lance un enquêteur éclairer toutes les zones d’ombres de ce dossier d’abord politique. Se mettant dans la peau d’un journaliste, il reconstruit l’histoire familiale et fait exister une réalité possible qui portera pour le moins le doute la véracité de la version officielle. Mais bien sûr, c’est un roman…

L’art du fait-diversier

Wagner est un fait-diversier à l’ancienne et à la retraite. Mais depuis le décès de sa femme, il erre comme une âme en peine et n’a rien trouvé de mieux que d’aller promener son chagrin sur les routes, dans son camping-car. Pas tout à fait un road trip, mais l’occasion quand même pour Michel Embareck de faire son Pierre Bonte, de montrer avec une belle nostalgie la France et ses petits recoins, ses traditions et surtout tout ce qui a été perdu d’âme.

Les roues du camping-car conduisent Wagner dans un coin perdu, ville d’eaux, où il est confronté à une vieille femme qu’il croit reconnaître. Ça le titille ! Alors il reprend ses crayons (car un crayon de papier ça écrit même sous la pluie !) et ses habitudes, tire ses ficelles et demande à ses vieux copains. L’occasion de partager un bon repas et quelques réflexions sur le monde moderne, mais surtout de dégoter de nouvelles pistes ! Et le voilà lancé dans une contre-enquête sur cette femme qui s’est proclamée victime et qui a finalement abattu son mari, de trois cartouches…

un roman noir hommage

Michel Embareck a une écriture qui fraternise avec son lecteur, à coup d’expressions joyeuses et truculentes comme aurait pu en proposer Audiard (« Ils coûtent les yeux d’la peau des fesses » ; « Du côté de la combe, un pic-vert en plein boulot poinçonne le silence avec un acharnement métonymique. »). Cette nostalgie est toute incarnée par le personnage de Wargner, qui porte certaines des vérités de l’auteur (il faut toujours suivre l’argent), certaines de ses vilaines fréquentations (la migraine) et raconte un métier comme on n’en fait plus, et les méthodes les plus habiles pour obtenir l’information sans gruger, en respectant sa source. Une façon de faire à la papa, qui se perd parce que tout doit aller trop vite.

Le roman se lit lentement, baguenaude, et rend un bel hommage aux faits-divers et aux petites choses du quotidien, à la bonne bouffe, à l’amitié, ces valeurs si archaïques dans le monde actuel mais pourtant chargées de tant de belles valeurs.

Trois cartouches pour la Saint-innocent est un roman attachant et marquant, l’on rit mais en grinçant des dents quand on admet toutes les couleuvres qu’on a déjà avalées et combien le monde a changé, combien les choses simples sont devenues compliquées et à dessein. Et combien, si l’hypothèse de Michel Embareck est avérée, la manipulation de l’opinion publique a été orchestrée avec maestria !

Quant à savoir si Michel Embareck pourrait claironner « Wagner, c’est moi » !

Loïc Di Stefano

Michel Embareck, Trois cartouches pour la Saint-innocent, L’Archipel, février 2021, 216 pages, 18 eur

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