La pierre du remords, la recette islandaise du polar

Auteur à succès

Ancien journaliste, Arnaldur Indridason est devenu célèbre grâce à sa série de romans consacré au personnage d’Erlendur Sveinsson, flic taciturne et très abrupt dans son rapport aux autres, qui mène des enquêtes qui sont souvent des prétextes pour des voyages dans le passé de l’île. Avec La Pierre du remords, il utilise le personnage de Konrad, policier retraité et mélancolique apparu dans Ce que savait la nuit (Métailié, 2019) et Les Fantômes de Reykjavik (Métailié, 2020). Et au fond la recette reste un peu la même comme on va le voir.  

Une recherche du père toujours contrariée

Policier à la retraite et veuf, Konrad consacre beaucoup d’efforts à comprendre la vie de son père. Grand escroc, ce dernier se faisait passer avec son complice pour des spirites pouvant aider leurs victimes à contacter leurs défunts en échange de grosses sommes d’argent. Mais il continue aussi d’autres enquêtes. Un jour, une vieille femme le contacte :

Konrad se souvenait qu’il avait d’abord été réticent à aider cette femme. Il lui avait clairement précisé qu’il était à la retraite et qu’il ne se chargeait plus d’aucune enquête. Elle avait insisté et l’avait rappelé une semaine plus tard, espérant qu’il ait changé d’avis. Surpris par son entêtement, il n’avait pas voulu être impoli, d’autant qu’il avait perçu une grande souffrance dans la voix de sa correspondante. Il s’était dit que c’était sans doute une grande épreuve pour elle de le contacter. 

Cette femme veut retrouver le seul enfant qu’elle ait mis au monde plus de quarante ans auparavant, issu d’un viol. Celle-ci infirmière anti-avortement. Konrad refuse mais s’en mord les doigts : son ancienne coéquipère Marta la retrouve morte, probablement assassiné. Konrad décide alors de reprendre ce cas, de découvrir ce qui est arrivé à cette femme et aussi qui est cet enfant qu’elle avait abandonné aux bons soins de Sunnefa, infirmière anti-avortement…  

Une longue rumination

Difficile de résumer le style et l’univers d’Indridason. L’intrigue de La Pierre du remords est un prétexte pour restituer le passé de cette île plongée dans la nuit une bonne partie de l’année. Ici, Konrad, aussi taciturne qu’Erlendur, est hanté par son père escroc. Ses enquêtes, loin de l’éloigner de son obsession, ne sont qu’une récréation éphémère dont les conclusions nourrissent son pessimisme foncier. Ici, une vieille femme cherche son enfant et ne le trouvera jamais, la vie continue pourtant, dans la souffrance. La Pierre du remords est un polar hanté par le passé qui ne passe pas, parfois étouffant comme l’est l’hiver islandais.

Dans son genre, La Pierre du remords est assez remarquable.  

Sylvain Bonnet

Arnaldur Indridason, La Pierre du remords, traduit de l’islandais par Eric Boury, Métailié, février 2021, 352 pages, 21,50 eur

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