« Tue-moi », dur d’être un tueur à gages, mon cher Keller

Un vieux routier du polar

Publié pour la première fois dans les années 60, Lawrence Block est l’auteur de séries populaires consacrées à des personnages récurrents comme celle consacrée à l’enquêteur Matt Scudder, adapté à l’écran par Hal Ashby en 1986 (Huit millions de façons de mourir) et en 2014 par Scott Frank (Balade entre les tombes). Tue-moi appartient à la série « Keller », précédemment publiée au Seuil. Dans le dernier roman, Keller en cavale (Seuil, 2010), Keller quittait New York et renonçait à son boulot de tueur à gages, malgré sa passion dévorante et onéreuse pour sa collection de timbres. Malheureusement (enfin heureusement pour le lecteur), Tue-moi nous indique qu’il est obligé de renouer avec Dot, son ancien agent.

La crise pousse au meurtre

Eh oui, Keller, devenu Nicholas Edwards, a du mal à joindre les deux bouts. Il vit à la Nouvelle-Orléans et travaille dans la rénovation des maisons détruites par l’ouragan Katrina. La crise de 2008 affecte malheureusement ses affaires et amène Keller/Edwards à accepter des contrats proposés par Dot. Pour pouvoir nourrir sa famille (Keller a désormais une petite fille, Jenny), il revient à New York pour assassiner une femme dont le mari sait qu’il la trompe. Keller essaie tant bien que mal de passer inaperçu dans une ville qu’il connaît sur le bout des doigts… Si son premier contrat ne se passe pas aussi bien que prévu (ah ces maris qui changent d’avis au dernier moment…), Keller/Edwards en accomplit d’autres, parfois avec le soutien de sa femme. Le meurtre paie bien.

Un pro qui a de l’humour

Lawrence Block a du métier et du talent, c’est entendu. Avec Keller, il livre le portrait d’un pro du meurtre, qui connaît son métier sur le bout des doigts et ne fait pas dans la sensiblerie, même s’il est très attaché à sa famille. Ici, c’est par l’humour que Block nous séduit car notre tueur se retrouve dans des situations drôlatiques pour faire son métier. Mention spéciale aux dialogues avec sa femme Julia et Dot, qui sont extrêmement savoureux. Et puis on devine à travers le regard de Keller l’œil acéré que Block porte sur une société américaine obsédée par la réussite et l’argent. Tue-moi est une preuve de plus de l’excellence de Lawrence Block, on espère en lire d’autres rapidement.

 

Sylvain Bonnet

Lawrence Block, Tue-moi, traduit de l’anglais (États-Unis) par Sébastien Raizer, Gallimard, « Série noire », novembre 2017, 336 pages, 19 euros

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