« Une étude en noir » de John Harvey, le polar anglais se porte bien

Un des piliers du roman noir britannique

John Harvey a appris le métier d’écrivain sur le tas, en rédigeant des dizaines de romans (dont des westerns). Il s’est surtout illustré dans le roman noir à travers le personnage de Charlie Resnick, enquêteur d’origine polonaise, particulièrement avec Lumière froide (Rivages, 1994) ou Proie facile (Rivages, 2001). Comme d’autres auteurs de romans noirs, il a ensuite créé d’autres personnages emblématiques comme Frank Elder dans le roman De chair et de sang (Rivages, 2007). Les éditions Rivages sortent Une étude en noir, un recueil de nouvelles où on retrouve Resnick et Elder, ainsi que Jack Kiley, autre personnage récurrent.

 

Une Angleterre mal famée

Avec John Harvey, on découvre une Angleterre loin des images d’Épinal. On y découvre des prolos (l’équivalent des déplorables dénoncés en son temps par la sinistre Hillary Clinton en 2016 aux Etats-Unis), des anciens ouvriers au chômage, des mères célibataires qui peinent à joindre les deux bouts. Et puis un crime survient :

 

Voilà ce qui se passe en général : Kiley boit tranquillement un verre au pub, quand quelqu’un s’approche de sa table ou l’intercepte avant qu’il n’ait atteint le comptoir. “Excusez-moi mais vous ne seriez pas…” Et c’est parti. Kiley hoche la tête, sourit et écoute l’histoire pour la énième fois, ou du moins une version approximative de celle-ci, puis il signe le premier bout de papier qu’il trouve et ils se serrent la main. »

 

Dès la première nouvelle, Promesse, le décor est planté. La championne de tennis Victoria Clarke, issue de la classe ouvrière, subit une tentative de chantage par rapport à un enfant qu’elle a eu à quinze ans et qu’on cache à la presse. Kiley enquête et le coupable se trouve au sein de sa famille… Toutes les histoires d’Harvey puisent à la même source. On y croise des gens épuisés par la vie, au bord de la pauvreté, habitant des villes moyennes comme Nottingham. Et à un moment ça ne passe plus, ça casse. Kiley, Resnick et Elder viennent aussi des classes populaires et ne se font aucune illusion. Ils tentent juste d’être fidèles à la Common Decency autrefois encensée par George Orwell (et remise au goût du jour par Jean-Claude Michéa).

 

De l’art du noir

Ici, découvrir le coupable n’est pas le plus important. Ce qui compte est l’ambiance, le goût des cigarettes mal éteintes ou les haleines chargés au Bushmill. Peindre la société anglaise, son amour du foot, ses travers, ses histoires de sexe, est plus important que le « wodunit » à la Agatha Christie. John Harvey est un auteur essentiel, un de ceux qui font aimer le roman noir anglais (celui de Bill James ou de Robin Cook). Donc, il ne faut pas le louper. Fonce, ami lecteur !

 

Sylvain Bonnet

John Harvey, Une étude en noir, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Karine Lalechère et Jean-Paul Gratias, Rivages, octobre 2018, pages, 16 euros

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