« Dieux de la pluie » de James-Lee Burke : Lancelot au Texas

De la Louisiane au Texas

Difficile de ne pas tomber dans la louange en parlant ici de James Lee Burke, écrivain américain de romans noirs finalement héritier d’un Faulkner ou d’un Robert Penn Warren par sa description du Sud. Il a créé un personnage de détective taciturne et passionné, le cajun Dave Robicheaux, avec La Pluie de néon et a enchainé ensuite les romans, sans jamais en rater un seul : dans ses réussites, citons Purple cane road et Dans la brune électrique (très bien adapté par Tavernier). Burke a cependant d’autres héros dont les aventures se situent dans le Montana ou au Texas : Hackberry Holland, personnage central d’un de ses premiers romans (Déposer glaive et bouclier) est l’un d’eux. Ancien de la guerre de Corée, avocat, on le retrouve ici shérif dans une petite ville du Texas.

 

Dans la chaleur texane

Neuf femmes sont tuées et leurs cadavres sont retrouvés suite à un appel anonyme. Hackberry Holland débarque sur les lieux, vite écœuré par le spectacle. Sans papiers, destinées à la prostitution, ces femmes servaient aussi de mules en transportant dans leur estomac de la drogue. Pete Flores, l’auteur de l’appel, avait été recruté pour les conduire dans un camion. Son employeur, Hugo, le recherche tout en tentant de faire chanter Nick Dolan, un ancien tenancier de maison de jeu de la Nouvelle-Orléans, qui cherchait à se venger d’Artie Rooney, un de ses anciens collègues,en faisant venir ces femmes. Holland va avoir du mal à boucler son enquête, où vient se nicher un tueur à gages nommé le prêcheur sans compter son adjointe, Pam Tibbs, amoureuse de lui. Il n’y aura pas de vieillesse paisible pour Hack.

 

Quatre-vingts ans printemps et toujours vert

 

James Lee Burke est un cas qui défie l’analyse critique (toujours pressé bien sûr, Godard et Manchette le disaient) : voici un auteur qui écrit régulièrement, au rythme d’un livre par an ou presque. On serait en droit d’estimer qu’il se répète où qu’il ressasse : pas du tout. En fait, le lecteur, accroc, en redemande. Ici, on a droit à un personnage « différent », quoique proche de notre Robicheaux adoré. Eh bien la « magie » opère, on se passionne pour cet homme entrevu dans la fleur de l’âge dans Déposer glaive et bouclier et qui, ici, se révèle fragile et brut de décoffrage, doté du physique d’un John Wayne dernière période, véritable chevalier de la table ronde malgré le passage des années qui engendre le désespoir, qu’on espère tranquille. Très bien découpé, laissant vivre et respirer ses personnages, ce roman emplit ses lecteurs d’un plaisir tranquille même si l’Amérique décrite est cauchemardesque.

Un mot sur la nature : Burke décrit avec tendresse le rude Texas, au climat souvent désertique et sujet à des canicules violentes. Panthéiste le Burke ? Il faudra creuser cela. En tout cas, voici un grand roman. Longue vie à James Lee.

 

Sylvain Bonnet

James Lee Burke, Dieux de la pluie, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Mercier, Rivages, juin 2018, 420 pages, 9 euros

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