Le Saint Empire romain germanique, un Reich millénaire
Historienne allemande inconnue chez nous, Barbara Stollberg-Rilinger a longtemps occupé la chaire d’histoire moderne de l’université de Münster et ses travaux ont porté essentiellement sur le Saint-Empire romain germanique. Les éditions Passés composés ont donc tout logiquement traduit le livre qu’elle a consacré sur ce sujet paru en 2006 outre-Rhin avec cette question simple : qu’est-ce que le Saint Empire romain germanique ?
Une construction institutionnelle étrange

Car le Saint Empire, premier Reich de l’histoire allemande, défie bien des définitions. Car ce n’est ni un état, ni un royaume : on disait que c’était avant tout un corps avec une tête et des membres. La tête, c’est l’empereur, un Habsbourg depuis le XVe siècle et les membres, ce sont des princes, des souverains (ecclésiastiques ou laïcs), des villes. Une mosaïque d’entités liés entre elles par la féodalité et aussi par des institutions comme la Diète d’empire, des tribunaux impériaux… et une Poste impériale. Un édifice complexe donc qui va être mis à l’épreuve.
La Réforme et la guerre de trente ans
Barbara Stollberg-Rilinger démontre bien comment le mécano institutionnel du Saint Empire a été mis à l’épreuve par le Réforme luthérienne adoptée par certains princes électeurs face à un empereur qui demeure catholique. Si la menace ottomane aide à maintenir une certaine cohésion, le conflit religieux mine l’Empire. La sécularisation enrichit et renforce aussi certains princes en conflit larvé avec l’Empereur. Si Ferdinand, frère et successeur de Charles Quint, parvient au compromis d’Augsbourg, le conflit se relance à la fin du siècle, la balance démographique repenchant du côté des catholiques. La guerre de trente ans commence pourtant en Bohême, à la périphérie du Saint Empire puis se propage petit à petit avec les interventions étrangères. Les traités de Westphalie conclus en 1648 s’efforcent d’installer un équilibre qui, contre toute attente, va durer longtemps et au bénéfice de l’Empereur, bientôt dotée d’une armée impériale.
Un dualisme fatal
Au fond, selon notre historienne, le Saint Empire va être rongé par… le succès des grandes dynasties. Le roi de Saxe réussit à devenir roi de Pologne, les Hanovre prennent pied en Angleterre à la mort de la reine Anne en 1714. Parallèlement, les Habsbourg agrandissent leurs domaines héréditaires avec la conquête de la Hongrie, des Balkans et la récupération des Pays-Bas espagnols et d’une partie de l’Italie à l’issue de la guerre de succession d’Espagne : la base de leur pouvoir se situe donc hors du Saint Empire. Et puis il y a la rivalité de l’Autriche avec le Brandebourg-Prusse qui ronge le vieil édifice qui sera mis à bas par le recès de 1803, prélude à la disparition officielle en 1806. En 190 pages, Barbara Stollberg-Rilinger fait le tour de la question : un tour de force.
Sylvain Bonnet
Barbara Stollberg-Rilinger, Le saint Empire romain germanique, traduit de l’allemand par Denis Armand-Canal, Passés composés, septembre 2024, 190 pages, 19 euros
