S.O.S Fantômes : La Menace de glace – La chasse tourne court

La famille Spengler s’installe à New York et entame une nouvelle carrière de chasseurs de fantômes. Elle ne va pas tarder à unir ses forces avec celles des anciens membres des Ghostbusters afin de contrer une menace à même de détruire l’humanité…

Franchise cinématographique culte des années quatre-vingt, S.O.S Fantômes/Ghostbusters (en anglais dans le texte) s’est attiré les faveurs du public grâce à l’efficacité du duo Ivan Reitman (derrière la caméra) Harold Ramis (au scénario à qui l’on doit un autre film adulé par le plus grand nombre, Un jour sans fin) et à l’humour de ses interprètes, à commencer par Bill Murray et Sigourney Weaver.

Or, cette chère Hollywood, en panne d’inspiration ces dernières années, a cru bon de raviver la licence afin d’engranger quelques dollars de plus sur le dos des admirateurs de la première heure. D’abord une relance houleuse en 2016, avec une version entièrement féminisée qui ne manqua pas de susciter nombre de polémiques puis une suite directe au deuxième épisode à l’aide de grosses ficelles d’écriture et qui bénéficiait tout de même du savoir-faire de Jason Reitman (le fils d’Ivan), qui s’était distingué de belle manière auparavant avec Juno et In the air.

La production aurait pu se satisfaire des recettes honorables de ce S.O.S Fantômes : L’Héritage et tiré parti de sa nostalgie sympathique. Hélas, il faut bien traire la vache jusqu’à la dernière goutte de lait et voilà que débarque ce S.O.S Fantômes : La Menace de glace, à même de bien enterrer la saga pour de bon. Quoi qu’il en soit, cette entreprise racoleuse souligne non seulement le manque de créativité des décideurs, mais révèle le mal profond qui frappe l’industrie depuis trop longtemps.

Le mal du siècle

Si Martin Scorsese, James Cameron et consorts se plaisent (certains diront se complaisent) à tirer sur l’ambulance superhéroïque (alors que le genre affichait une cure de jouvence prometteuse au moins jusqu’au Avengers de Joss Whedon), l’ensemble de ces détracteurs devrait sans doute aussi se pencher sur le cas du fan service, cette propension à voguer sur la mémoire et la nostalgie des uns et des autres, à titiller leur amour de la pop culture au détriment de toute imagination. En effet, force est de constater que le recours à outrance de cette méthode tue à petit feu le septième art puisqu’elle cache toutes les lacunes de mise en scène et écarte les éventuelles critiques au nom de c’était mieux avant ou de l’utilisation de références caressant dans le sens du poil la passion dévorante des aficionados de tel ou tel univers.

Alors oui, on peut arguer que le Marvel et DC emploient ce principe désormais jusqu’à la lie (cf The Flash ou Spider-Man: No Way Home) ; mais ils ne sont point les seuls. De Stranger Things au Seigneur des Anneaux de Peter Jackson (cf. la représentation de Legolas) en passant par Top Gun : Maverick ou Jurassic World et Expendables, tous se servent de ce procédé et dissimulent de fait, trop souvent, le fossé formel abyssal qui les sépare d’un Alien, Blade Runner, La Rage du tigre ou de Brazil. Et S.O.S Fantômes : La Menace de glace n’échappe pas à cette règle malheureusement.

En rappelant les acteurs des opus originaux (Bill Murray en tête), tout en optant pour des figures affectionnées du public (Paul Rudd vu dans le MCU ou Finn Wolfhard de Stranger Things), Gil Kenan et la production espèrent s’attirer une fois encore les faveurs de ceux qui apprécient les longs-métrages d’Ivan Reitman. En s’appuyant sur le maximum de clins d’œil à la franchise ( comme le bestiaire), en imaginant de nouveaux gadgets et en citant au détour d’une réplique Lovecraft, S.O.S Fantômes : La Menace de glace récite parfaitement sa leçon, en omettant le plus important…

Forme spectrale

Les efforts invisibles à l’arrivée de Gil Kenan et de Jason Reitman (crédité en qualité de coscénariste) n’y feront rien ; l’écran de fumée procuré par le fan service ne camoufle pas les trous béants dans le script et une mise en scène catastrophique (même pas fonctionnelle). Le recyclage d’idées éculées, issues des volets précédents (le spectre glouton, les marshmallows), les gags périmés et la prestation en roue libre des acteurs irritent et n’arrachent même pas un sourire forcé.

Bill Murray touche son cachet, mais a désappris à jouer tandis que les séquences soi-disant spectaculaires s’avèrent fades voire insipides. Et puis il y a la fameuse menace de glace, à la direction artistique peu inspirée, sur qui repose le canevas de l’intrigue et qui ne convainc pas plus que le vilain du pathétique Godzilla x Kong : Le Nouvel empire. Mais le pire réside dans les quelques pistes explorées par le cinéaste qui auraient pu sauver la barque du naufrage total, mais qui souffrent de l’absence de talent de Gil Kenan au moment de les retranscrire.

La volonté des anciens à sortir de leur retraite ou la relation de Phœbe avec son amie fantôme (imaginaire), symbolisant son mal être adolescent sont des thématiques, si elles étaient bien traitées, qui auraient pu insuffler un minimum de crédibilité au long-métrage. Mais l’hypothèse s’efface pour une réalité abrupte : Gil Kenan rejoint la horde d’artisans incompétents qui pullulent et polluent l’horizon hollywoodien.

Avec un tel résultat, on aimerait que l’intégralité de la profession retienne la leçon et se tourne vers l’avenir plutôt que de ressusciter les cadavres glorieux d’antan. Mais ce vœux pieux ne sera pas exaucé puisque Dan Aykroyd qui incarne Ray et coscénarisait les épisodes des années quatre-vingt vient de déclarer s’atteler aux origines des chasseurs de fantômes. Un tel aveuglement risque bel et bien d’achever non seulement cette franchise mais également toutes les tentatives similaires. Mieux vaut prévenir que guérir selon l’adage. Ici , mieux vaut arrêter les frais que sombrer définitivement avec la caisse…

François Verstraete

Film américain de Gil Kenan avec Paul Rudd, Carrie Coon, Finn Wolfhard, Bill Murray. Durée 1h56. Sortie le 10 avril 2024

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