Visages du politique au Proche-Orient : entre dictature, démocratie et islamisme

Une vie pour analyser le levant


Agrégée d’histoire et spécialiste des palestiniens, Nadine Picaudou a vécu plusieurs années au Liban où elle était chercheure au CERMOC (Centre d’études et de recherches sur le Moyen Orient contemporain). Elle a aussi enseigné à Jussieu (Paris VII), puis à l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris et est aujourd’hui professeur à l’université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne. On lui doit notamment La Déchirure libanaise (Complexe,1989), La Décennie qui ébranla le Moyen-Orient (1914-1923) (Flammarion, 2017) et Les Palestiniens, un siècle d’histoire (1997 – 2003), publié chez Complexe. Elle tente dans ce Visages du Moyen-Orient de livrer une peinture du Proche-Orient, analysant la construction — inachevée — des Etats-nations déchirés par des affrontements communautaires parfois bien mystificateurs…

Un essai stimulant

Nadine Picaudou commence par partir du Liban, pays qu’elle connaît bien, pour y analyser toute la complexité de la construction d’un Etat dans un pays où fleurissent les communautés et aussi les tribus. La guerre civile libanaise apparaît ici dans cette optique comme un mode de règlement politique des blocages de l’Etat libanais (Clausewitz est ici appliqué au pays du cèdre). Avec acuité, l’historienne aborde ensuite la construction d’autres Etats -Syrie, Irak, Jordanie — parfois imposés par des puissances coloniaVisages du Moyen-Orientles : la Grande-Bretagne a grandement favorisé l’installation des Hachémites, ses clients, en Jordanie et en Irak pour se faire pardonner ses manipulations durant la première guerre mondiale.

Or ces Etats se superposent à des sociétés marquées par le tribalisme. Comme au Liban, on garantit à certaines communautés l’accès à certains emplois publics afin d’assurer la paix sociale. L’argent des pays du Golfe, tiré de la rente pétrolière, ont aussi beaucoup aidé ces pays frontaliers de l’Ennemi commun, Israël. Or, ce « circuit de financement » n’est plus aussi important qu’il y a une vingtaine d’années…

Une région contradictoire

Les printemps arabes ont démontré l’aspiration d’une partie de la population à la démocratie face à des régimes marqués par le nationalisme arabe et des pratiques autoritaires de modernisation de la société. Reste que la réislamisation en cours depuis les années 70 a bouleversé les équilibres politiques internes de ces sociétés, sans remettre en cause toutefois tribalisme et communautarisme. Que retenir au final ? Tout est possible… Y compris le meilleur.

Sylvain Bonnet

Nadine Picaudou, Visages du Moyen-Orient, Gallimard Folio histoire, novembre 2018, 416 pages, 7,90 euros

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