Vivre et laisser mûrir en Ténarèze

A lire Monique Dollin du Fresnel, on réalise que la Gascogne n’est pas du tout ce qu’un vain peuple pense. Terre de mousquetaires, de gourmandises et de vignobles, célèbre pour ses cadets et ses alambics, elle renferme aussi des secrets inavouables, des détestations cuites et recuites, des mauvais souvenirs enfouis sous les fougères, et des soifs de vengeance impossibles à désaltérer. 

Enquête en armagnac

Monique Dollin du Fresnel connait bien l’Armagnac, et les douces collines du Gers et de l’Albret, puisque c’est son pays. Elle a donc abandonné un temps son œuvre d’historienne, couronnée de nombreux prix littéraires, pour s’essayer au roman noir. Cela donne Vivre et laisser mûrir en Ténarèze. La Ténarèze ? C’est l’une des deux grandes appellations de l’armagnac, vignoble qu’elle sillonne depuis l’enfance, et dont les chais enténébrés recèlent autant de trésors que les bois alentour abritent de girolles. 

C’est dans ce pays que deux officiers de gendarmerie, un homme et une femme, ayant découvert un crime odieux et sans mobile apparent, vont dévider la pelote de mystères insondables, et de meurtres non résolus. Ils vont surtout, malgré une cohabitation chaotique, faire parler les morts, grâce à de minuscules bouts de papier… Sherlock Holmes n’aurait pas fait mieux. 

La Gascogne éternelle

Mais l’auteure sait aussi nous entrainer en dehors des fastidieuses nécessités d’une enquête criminelle, et nous servir à même la barrique une dégustation de vieux armagnacs, pour y découvrir « une explosion de saveurs à réconcilier un buveur d’eau avec ce nectar béni des dieux »… C’est donc bien dans la Gascogne éternelle que le lecteur — au bout du suspense — voyage plaisamment. On n’en dira pas plus, en ce qui concerne l’histoire, tant il est vrai qu’une énigme ne vaut que lorsqu’on trouve la clef. Et la signification des petits bouts de papier….

Mais si l’on veut lire un peu entre les lignes, on voit bien que Monique Dollin du Fresnel n’est pas pour rien une ancienne de Sciences Po. A leur manière, ses deux gendarmes constituent un tandem qui pastiche, sans le dire, bien des romans policiers, aux ficelles éculées. Elle s’amuse donc à restituer par petites touches des situations largement utilisées par d’autres, autant pour s’en moquer que pour s’en amuser. Et de la noirceur du crime, distillé dans Vivre et laisser mûrir en Ténarèze, nait alors un sourire entendu, et discret. 

Didier Ters

Monique Dollin du Fresnel, Vivre et laisser mûrir en Ténarèze, éditions Sud Ouest, mai 2021, 250 pages, 19 eur

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