A bout de souffle-Made in USA

J’aurais dû écouter les journalistes de Starfix, en 1983, quand ils recommandaient chaudement d’aller voir le remake américain d’A bout de souffle par Jim McBride… Comme beaucoup de spectateurs, j’ai jugé ce remake inutile avant même de le voir et je me suis abstenu pendant… trente-cinq ans. Monumentale erreur ! Comme d’habitude, Starfix avait raison : A bout de souffle-Made in USA (Breathless en v.o.) est un film formidable, à redécouvrir d’urgence. 

C’est possible désormais grâce à l’éditeur britannique Second Sight, grand spécialiste des films-culte, qui a sorti il y a quelques semaines cette splendide copie Blu-ray, agrémentée d’une toute nouvelle interview de Valérie Kaprisky et d’une analyse du spécialiste Mark Kermode.

 

 

Lors des premières minutes, on est simplement amusé de retrouver, américanisée mais fidèle, l’intrigue de Godard et Truffaut : un voyou à la petite semaine (Richard Gere), en cavale après avoir tué un policier, drague comme un fou une étudiante étrangère (Valérie Kapriski), cette fois française. Le trajet Las Vegas-Los Angeles remplace le trajet Marseille-Paris de Belmondo. Mais les allusions au classique de Godard finissent rapidement par s’estomper pour laisser la place à un réel sentiment d’originalité et d’euphorie, proche de celui de Dangereuse sous tous rapport de Jonathan Demme. 

 

 

Car si McBride ne révolutionne pas le langage cinématographique comme saint Jean-Luc, il réussit tout aussi brillamment à transmettre le besoin de liberté et de folie de la jeunesse : liberté et folie dans le jeu habité de Richard Gere, acteur de la Méthode qui vit son rôle jusque dans la moindre parcelle de son être, s’échappant dans l’imaginaire (le Surfeur d’Argent de Jack Kirby, le Mexique fantasmé) avec autant d’intensité et de nervosité qu’un enfant dans sa chambre close ; liberté et folie physique de Valérie Kaprisky qui fait craquer le vernis d’une sage éducation bourgeoise pour se donner entièrement, et sublimement, à son partenaire et à la caméra ; liberté et folie enfin d’un cinéaste indépendant venant de New York, Jim McBride, qui finit par oublier totalement Godard pour chanter, comme disait Cocteau, dans son arbre généalogique : Joseph H. Lewis (Gun Crazy) et Nicholas Ray (La Fureur de vivre).

 

 

Galvanisé et constamment inventif, McBride laisse vraiment s’épanouir son couple d’acteurs, ainsi que la faune étrange et kitsch de Los Angeles, au son de Philip Glass et de Jerry Lee Lewis. L’euphorie que dégage le film vient bien de là : de la vision dynamique de cette faune insouciante, la tête dans le soleil couchant et les pieds sur l’asphalte craquelé. 

Des êtres paumés qui vivent l’artifice comme un art.

 

Claude Monnier

Blu-ray Breathless (1983) de Jim McBride avec Richard Gere et Valérie Kaprisky, 96 minutes, 16:9 – 1.85:1, région B, disponible depuis mars 2018, via le site Second Sight Films. 

Remerciements à Frédéric Albert Lévy et à Chris Holden.

 

Laisser un commentaire