A l’ombre du pouvoir, les racines du mal

Du journalisme au thriller

 

Ancien journaliste, Neely Tucker livre aussi des thrillers. En 2015, la « Série noire » avait publié La Voie des morts, roman irréprochable sur le plan de sa structure et de ses personnages, le journaliste Sully Carter en tête. Son enquête était aussi un prétexte à des notations impitoyables sur le poids des préjugés racistes dans cette Amérique si moderne. A l’ombre du pouvoir reprend le personnage de Carter là où on l’avait laissé, entre une bouteille de Bourbon et son passé tourmenté : pour quel résultat ?

 

Un mort de trop

 

Billy Ellison, jeune homme d’une vingtaine d’années, membre de l’élite noire de Washington, est retrouvé dans le fleuve Potomac, non loin de Frenchman’s bend. Le Post met Sully Carter, ex correspondant de guerre à la jambe claudiquante, sur le coup, à charge pour lui de rédiger un bel article sur ce jeune homme promis à la plus haute destinée. Sauf que le bat blesse. Sully découvre l’histoire d’un jeune gars perturbé, orphelin de père et en conflit permanent avec sa mère. Homosexuel, sa mère affirme qu’il dealait de l’herbe, d’où sa présence dans le quartier mal famé de Frenchman’s bend. Mais plus Sully Carter avance, plus les choses se compliquent. L’employeur de la mère de Billy, Shelly Stevens, le menace. Et il semble que finalement Billy ne dealait pas du tout… Que cache donc la famille Ellison ?

 

Efficace mais sans génie

 

A l’ombre du pouvoir séduit par son arrière-plan sociologique (Washington, ses élites noires et blanches, le ghetto défavorisé) ainsi que par son personnage principal. Carter, cynique, désabusé, désespérément caustique, se rattache à une lignée de personnages du roman noir américain qui nous plaît particulièrement.  Avec intelligence, Tucker sait relier son intrigue au passé esclavagiste de son pays et aux relations « raciales » très compliquées qui le régissent. Reste qu’on est frustrés à la fin. Pourquoi ? On a l’impression d’un devoir bien fait, bien exécuté… Il manque quelque chose, ce petit quelque chose qui sépare les grands écrivains de romans noirs des faiseurs de thriller. Or, au vu du résultat, Tucker se rattache à la dernière catégorie. Pour autant, A l’ombre du pouvoir est totalement agréable à lire.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Neely Tucker, A l’ombre du pouvoir, traduit de l’anglais (États-Unis) par Alexandra Maillard, Gallimard, « série noire », septembre 2017, 368 pages, 21 euros

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