« A la place du mort » de Paul Baldenberger

Inscrit sur la liste « Première sélection » du prix Interallié à sa parution en 2016, A la place du mort est un court roman dont le point de départ est effroyable : la place du mort, c’est celle du narrateur, kidnappé et violé au sortir de l’enfance, alors qu’il espérait le rendez-vous avec celle qu’il trouvait si belle… Trois heures dans sa vie. Trois heures qui ne s’effaceront jamais. Trois heures, à 12 ans, qui marquent l’arrêt de sa vie, même si le reste continue…

Mort à partir de cet événement à la fois destructeur et, paradoxalement, constitutif, le narrateur a vieilli, il a  fait sa carrière, mais au sortir du cinéma où il est allé voir, par hasard, sans connaître le sujet mais en respect du metteur en scène, l’adaptation du roman de Denis Lehane par Clint Eastwood, il reconnaît dans Mystic river sa propre histoire. D’une violence terrible, mais jamais montrée, laissant la place au fantasme de chacun, ce film est c’est un choc, une révélation : il doit dire sa propre histoire. Non pas comme il le fait à ses petites amies, pour tout dire, mais comme on le ferait pour lui donner une substance supérieure. Et se prouver qu’il n’est pas forcément que cela.

 

Quand j’en ressors, deux heures trente plus tard, je suis comme assommé, les jambes flageolantes, une sorte de nausée remontant par vagues, et, en même temps, je ressens un étrange sentiment de libération et de connivence. »

 

Que ce roman soit autobiographique ou non, cela n’est pas notre souci. Nous lisons l’émotion et la laissons s’emparer de nous. Que le roman soit cathartique ou non, cela n’est pas notre souci. Nous lisons et admirons la construction, le rythme, la beauté des phrases simples, et faisons nôtre cette expérience.

A la place du mort est le roman d’une plongée au fond de soi, un exercice d’un courage incroyable et, pour nous, d’une vraie beauté formelle et humaine.

 

C’est inimaginable, la force de l’imagination, inimaginable le volume d’espoir que l’on peut mettre dans un événement hautement improbable. Parce que tout d’un coup c’est, en dehors de la mort, la seule issue possible. On s’en remet à elle avec toute l’énergie, toute la ferveur dont on est capable. »

 

Le style est simple, élégant, avec cette douleur constamment retenue et cette force propre au romancier qui réussit à embarquer son lecteur dans sa propre mémoire. Un vrai beau roman. Un vrai beau travail de mémoire. Une vraie belle émotion.

 

Loïc Di Stefano

Paul Baldenberger, A la place du mort, Gallimard, « folio », janvier 2018, 184 pages, 6,60 euros

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