Erostrate for ever, la descente aux enfers par Aïssa Lacheb

Aïssa Lacheb a écrit une dizaine de romans, dont plusieurs inspirés par un séjour qu’il fit en prison. Son dernier ouvrage, baptisé Erostrate for ever —avec Dieu sait pourquoi ce titre en anglais ? —, rassemble cinq nouvelles, qui réussissent à être à la fois différentes et semblables, mais aussi noires les unes que les autres. 

descente aux enfers

En effet, à travers cinq thèmes précis : l’alcoolisme, la prostitution, la violence, la drogue, la folie, l’auteur met au jour les situations dramatiques, que vivent certains de nos contemporains. Ceux-ci sont-ils coupables, ou seulement responsables, du malheur qui les accable ? Certes non. Selon Aïssa Lacheb, seul un déterminisme cruel les emporte dans une inexorable descente aux enfers. Et s’il nous brosse le tableau des âmes en perdition, il le fait comme Bruegel avec ses mendiants, ou Jérôme Bosch avec ses monstres. 

Pour autant, cet étalage de noirceurs ne manque pas de quelques clartés. Il nous éclaire,  en effet, sur cette obscure « cour des miracles » qui persiste toujours au sein d’une société civilisée, solidaire, cultivée. Supprimera-t-on ces jeunes en perdition qui se droguent et volent pour se droguer ? Ces pères de famille ivres de violence qui tabassent leurs femmes ? Et toutes ces filles à peine majeures qui n’ont que leur corps pour survivre à la misère ? 

Aïssa Lacheb, c’est évident, n’est pas un auteur pour la Bibliothèque Rose. Il nous dit simplement : la vie, c’est aussi cela, c’est aussi comme cela ; l’enfer n’est pas plus loin du paradis que la Roche Tarpéienne ne l’était du Capitole. On ne lui reprochera pas cette dure réalité, pas plus que l’on reproche Les Misérables à Victor Hugo. Et s’il fallait être choqué — pourquoi pas ? — par cette complaisance dans l’abjection, on pourrait l’être aussi de ne pas avoir dans nos mains les outils pour empêcher tout cela. Mais de cette amertume, il reste un bon bouquin. 

Didier Ters

Aïssa Lacheb, Erostrate for ever, Au diable vauvert, 300 pages, janvier 2021, 18 eur 

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