Bardot, retour sur un mythe
Brigitte Bardot étant l’une des très rares personnalités françaises à avoir connu une célébrité vraiment internationale – les Anglais, par exemple, savent qui est Delon, mais ils vous regardent avec des yeux ronds si vous leur parlez de de Funès –, il est dans la logique des choses qu’on lui consacre un documentaire en bonne et due forme. Mais tout documentaire se fonde sur des choix, et il n’est pas sûr que les choix faits par les réalisateurs Alain Berliner et Elora Thevenet soient toujours cohérents.

Le premier parti pris de ce documentaire, intitulé tout simplement Bardot, consiste à ne jamais montrer Bardot telle qu’elle est aujourd’hui, ou à ne la montrer que de dos, en amorce, dans les interviews réalisées récemment et qui servent de fil conducteur à l’ensemble. On nous dira sans doute que Rome n’est plus dans Rome et que Bardot aujourd’hui ne correspond pas à l’image qui surgit dans la mémoire du public quand on dit Bardot, autrement dit celle d’une actrice d’une trentaine d’années vedette d’Et Dieu créa la femme, de La Vérité ou du Mépris, mais cet aspect de sa carrière est traité au lance-pierre. Bien sûr, on sait que, de son propre aveu, BB s’ennuyait beaucoup pendant les tournages, mais, qu’elle le veuille ou non, c’est sa célébrité cinématographique qui lui a permis de se moquer comme elle l’a fait des conventions sociales – il faut la voir affirmer tranquillement lors d’une interview télévisée qu’elle espère ne pas partager toute sa vie, surtout pas, avec le même homme – et de défendre, comme elle continue encore à le faire, la cause des animaux.
Il n’en reste pas moins que deux chapitres de ce documentaire sont franchement passionnants. Le premier, qui respecte tout bêtement la chronologie et qui est donc consacré à l’enfance de l’héroïne, explique par anticipation l’attitude de provocation – délibérée ou inconsciente ? – qui fut la sienne par la suite : se dégage l’image d’une petite fille étouffée dans une famille on ne peut plus rigoriste, où, à partir d’un certain âge, il convenait de passer au vouvoiement quand on s’adressait à ses parents. Bref, il apparaît que, à maints égards, Bardot a construit son existence comme une revanche, sinon comme une vengeance.
On aura deviné que le troisième et dernier chapitre, le plus long, est consacré à la défense des animaux. Bien évidemment, nul n’est obligé d’être aussi radical que Bardot et de vivre au milieu de poules et de brebis (qu’elle semble préférer nettement à la compagnie des hommes), mais on ne peut que s’incliner devant son obstination qui a fait que sont devenues aujourd’hui des évidences des choses qui faisaient sourire, sinon ricaner, certains mauvais esprits il y a quelques décennies. Les bébés phoques n’ont même plus besoin d’un avocat, puisque leur cause est désormais entendue. Évidemment, le combat animalier continue sur d’autres fronts – marins, entre autres –, mais Bardot, qui est aujourd’hui âgée de plus de quatre-vingt-onze ans, peut se vanter, nonobstant certaines prises de position politiques que le documentaire n’aborde pas, d’avoir été en avance sur son époque.
FAL
Bardot, documentaire d’Alain Berliner et Elora Thevenet. Avec Brigitte Bardot (la narratrice), Christian Ardan, Frédérique Bel, Christian Brincourt, Franz-Olivier Giesbert, Claude Lelouch, Naomi Campbell, Stella McCartney. 90 minutes. 2025.
