Marlene Dietrich, la scandaleuse de Berlin

« La Prussienne » comme la surnommait Jean Gabin qui fut l’un de ses (nombreux) amants. Une sacrée personnalité. Et une sacrée silhouette. Elle fit tourner les cœurs, se pâmer les prétendants, provoqua des ravages. Le titre de sex-symbol parait insuffisant pour la qualifier. Alors celui de La Scandaleuse de Berlin que reprend Jean-Paul Bled pour titre de sa biographie ?

Une femme courageuse aussi. Qui s’impliqua lors de la Seconde Guerre Mondiale, prouvant que l’on pouvait être d’origine allemande sans être nazi. Prouvant aussi que l’on pouvait être une femme et oser dire non aux dignitaires du Troisième Reich. Adulée et décriée, audacieuse et entêtée, telle fut Marlène. Qui, bien plus que sa rivale Greta Garbo, ne cessa de contrôler son image, à défaut de contrôler totalement sa carrière. 

L’historien Jean-Paul Bled lui consacre un livre très fourni. Dont l’une des forces provient de la Marlène Dietrich Collection de Berlin qui regroupe une foule de documents dont de nombreuses correspondances. Aussi retrouve-t-on dans ce texte les lettres rédigées par Marlène faisant état de ses réflexions et de ses états d’âmes, mais aussi courriers et télégrammes dus à Jean Gabin, Jean Cocteau, Yul Brynner, Billy Wilder et beaucoup d’autres. Autant d’informations inédites qui apportent un compliment d’éclairage.

Car Dietrich n’était pas une femme facile. Dans tous les sens du terme. Elle choisissait ses amants (et amantes) et tenait à rester maîtresse du jeu, décidant d’abord de l’heure et du lieu des ébats et, ensuite, de la durée de la liaison. Elle imposait ses points de vue sur les tournages et — à l’exception de Josef von Sternbeg — se pliait rarement. De plus, elle gardait un droit de regard sur ses tenues et son maquillage. Bref, elle savait ce qu’elle voulait et, surtout, ce qu’elle ne voulait pas.

Cela est parfaitement rendu dans cette biographie qui rappelle que la Prussienne ne fut pas infaillible quoique dotée d’une volonté de fer. Voulant sauvegarder son image, elle préféra vivre en recluse dans son appartement de l’avenue Montaigne à Paris. Elle appartenait à un autre siècle et son parcours ne lui permit pas de jeter un œil sur le vingt-et-unième (elle disparut en mai 1992). 

Bled fournit un excellent travail. Il a fouillé les archives, revu les films et sa parfaite connaissance de l’histoire de l’Allemagne lui a été utile pour retracer le parcours de Marlène.

Voilà pour le fond.

Pour la forme, je suis plus circonspect et le mot est faible. Loin de moi l’idée de vouloir donner des leçons à un professeur émérite de Paris IV-Sorbonne mais j’émets néanmoins quelques réserves. Le style de l’auteur manque de légèreté, préférant les phrases compliquées aux phrases simples. Comme si la surabondance de mots donnait de l’importance à son propos. Et puis il y a cette répétition de celui-ci (et de ses proches parents celle-ci, ceux-ci) qui finit par dépasser l’agacement. De plus, je trouve les résumés des films trop longs donc fastidieux. Quant au terme « directeur » pour qualifier un réalisateur, il me parait malvenu.

Enfin, puisque nous voici dans mon domaine de prédilection, quelques précisions et questions.

Pourquoi le cinéma devient-il subitement le « petit écran » (p 96) ? Pourquoi Josef von Sternberg est-il affublé d’un Joseph ? Pourquoi le film Dédée d’Anvers se mue-t-il en Dédé d’Anvers, pouvant faire croire qu’il s’agit d’une œuvre sur un titi parisien ?… Tout cela ne serait que peccadilles et billevesées sans cette faute que j’estime impardonnable de la part d’un professionnel. Une faute que j’espérais ne jamais retrouver et qui brille par deux fois dans ce livre : Cary Grant devenant Gary Grant ! Allons, un peu de sérieux. Et pourquoi pas Ourson Welles et Joan Wayne ?… Du calme. Je vais encore me faire des ennemis… Je ne pourrai jamais avoir une chaire à la Sorbonne… 

Philippe Durant

Jean-Paul Bled, Marlene Dietrich, la scandaleuse de Berlin, Perrin, mars 2019, 351 pages, 24 eur

Laisser un commentaire