Le service des manuscrits d’Antoine Laurain
Qu’arrive-t-il lorsque l’on est éditeur et qu’un auteur de la maison est sélectionné pour le Prix Goncourt ? Eh bien, c’est la panique ! C’est du moins ce que raconte Antoine Laurain, dans son dernier roman : Le Service des manuscrits. Entendons bien le mot roman. Car ce livre n’est pas seulement un document sur les coulisses de l’édition, à la saison des prix. Il est aussi, et surtout, un roman policier, qui place l’éditeur au cœur d’une enquête compliquée, à propos d’un livre. Mais d’un livre très étrange…
un auteur introuvable
On répugne à trop raconter ce qui se passe, et va se passer au fil des pages. On s’en tiendra donc à l’exposé des faits. Un roman baptisé Les Fleurs de sucre arrive au service des manuscrits d’un grand éditeur. Il est aussitôt remarqué par le conseil de lecture, apprécié, retenu. On décide même de le publier sans attendre, pour la rentrée littéraire.
Seulement voilà : l’auteur est introuvable, et même injoignable. On sait qu’il s’appelle Camille, signe que c’est peut-être une femme, et qu’il (ou elle) répond à une adresse mail, sans localisation. Impossible de mettre la main dessus, alors que le livre est en librairie, et aussitôt installé dans la première sélection des Goncourt ! Effervescence à tous les étages…
Ce n’est pas tout. Alors que Les Fleurs de sucre raconte un, puis deux, puis trois crimes, avec mille détails, ces crimes se produisent dans la réalité, avec les mêmes détails, et selon le même scénario. Tout cela est si troublant que la police judiciaire envahit les locaux du service des manuscrits, et somme les responsables de s’expliquer…
qu’il faut apprendre à refuser un manuscrit
On s’en tient là, pour laisser au lecteur de quoi s’étonner, ou bien, (pourquoi pas ?) deviner la clé d’une énigme redoutable, qui laisse quand même quatre cadavres en chemin. On peut ajouter seulement qu’Antoine Laurain mène rondement son affaire, et s’il peine un peu, sur la fin, à démêler les entrelacs du mystère, il divertit le lecteur avec un réel sens du suspense, et une bonne connaissance du milieu de l’édition, fort secoué dans le cas présent.
Il faut aussi saluer la qualité des personnages du livre, plusieurs femmes et un psy, entre autres, très finement dessinés, dont la complexité et le lourd passé ajoutent beaucoup à l’ambiance générale. Mais on retient surtout que si les éditeurs n’acceptent qu’un ou deux manuscrits sur cent, il en est aussi qu’il est urgent de refuser…
Didier Ters
Antoine Laurain, Le Service des manuscrits, Flammarion, janvier 2020, 210 pages, 18 eur