Ce que savait la nuit, dépression au-dessus de l’Islande

Le blues d’Indridason

Depuis la parution de La Cité des jarres (Métailié, 2005) et surtout La Femme en vert (Métailié, 2006), le lecteur français de polar avec les héros taciturnes d’Arnaldur Indridason au point d’en devenir comme on dit largement accroc. En fidèle disciple du roman noir, chaque polar de ce romancier est une occasion de s’immerger dans une société insulaire, l’Islande donc, avec ses meurtres, son passé qui ne passe pas (jamais ?) et un sentiment diffus de l’inéluctabilité du malheur. Depuis la trilogie des ombres, Indridason a délaissé son personnage fétiche, le commissaire Erlendur, pour lui préférer le policier retraité Konrad. Avec Ce que savait la nuit, il réemploie Konrad, dont le spleen (il a perdu sa femme d’un cancer il y a peu et est hanté par son enfance) ne cesse, on va le voir, de grandir.

Quand les glaces reculent, le crime resurgit

Des touristes allemands sont en excursion sur un glacier. Ils découvrent médusés la tête émergée d’un homme parfaitement conservé. Il s’agit de Sigurvin, homme mort il y a des années et jamais retrouvé par la police. À l’époque l’inspecteur Konrad avait dirigé l’enquête et ses soupçons s’étaient dirigés sur son associé, Hjaltalin. Encouragé par son amie Marta de la criminelle, Konrad décide d’aller rendre visite à ce dernier, malgré leur passé conflictuel. Hjaltalin est atteint d’un cancer et n’en a plus pour longtemps :

— Si vous trouvez l’assassin, faites-lui payer, conclut Hjaltalin en s’effondrant sur le lit. Vous voulez bien faire ça pour moi ? Débrouillez-vous pour lui faire payer l’enfer qu’il a fait de ma vie…

Konrad ne dit rien mais son enquête l’amène bientôt une femme qui lui demande d’enquêter sur un jeune homme renversé il y a une dizaine d’années par un chauffard. En savait-il trop sur la mort de Sigurvin ? Konrad n’est pas au bout de ses surprises. Tant mieux car sa femme lui manque, beaucoup trop. Résoudre cette énigme pourra le distraire, un peu.

Rien à ajouter votre honneur

            —- Accusé, levez-vous !

            — Oui, votre honneur.

            — Vous avouez aimer les romans de cet islandais, Indridason ?

            — Oui, votre honneur.

            — Et pourquoi ?

            — J’aime son univers, j’aime la façon dont il parle de l’Islande. J’aime son désespoir tranquille et ses héros taciturnes.

            — N’est-ce pas un peu cliché ? Ne se répète-t-il pas ?

           — Le cliché est consubstantiel de notre époque, votre honneur, notre islandais y est assez imperméable. Et puis la répétition… d’après ses spécialistes, Hemingway écrivait toujours le même livre. Indridason n’est pas Hemingway mais il a le droit de toujours reprendre les mêmes motifs pour écrire, non ? Chandler était-il si différent ?

Le juge reste silencieux, puis :

            — Je déclare le non-lieu ! »

N’hésite pas cher lecteur, à lire ce roman d’Indridason. Et les autres aussi d’ailleurs.

Sylvain Bonnet

Arnaldur Indridason, Ce que savait la nuit, traduit de l’islandais par Eric Boury, Métailié « noir », février 2019, 300 pages, 20 eur

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