Autonome, le futur néolibéral

Du journalisme à la science-fiction

Le critique pressé ne connaît pas Annalee Newitz et c’est normal. La dame a commencé comme journaliste et a cofondé le site io9. On ne connaît d’elle que des essais, quelques nouvelles, avant la publication l’année dernière d’Autonome. Et elle a choisi de mêler dans son intrigue robots, cyberpunk, dénonciation des pratiques de l’industrie pharmaceutique : vaste programme !

La vengeance de l’arroseur arrosé

Jack Chen, ancienne scientifique, synthétise des produits pharmaceutiques et les revend à des populations défavorisées. Quand elle met la main sur le Zacuity, médicament capable d’augmenter la concentration au travail, elle procède avec son excellence habituelle et le copie. Elle se rend compte trop tard que le Zacuity rend dépendant les consommateurs au point de les pousser à se tuer à la tâche. Jack veut trouver un remède et réactive son réseau de scientifiques libertaires, du temps de sa jeunesse. Elle ne sait pas qu’on a lancé à ses basques un robot nommé Paladin, avec un coéquipier humain nommé Eliasz. Paladin fera tout pour la retrouver, tout en se posant des questions sur sa propre liberté…

 

Un premier essai convaincant

Autonome plaît au lecteur de science-fiction par la vivacité de son intrigue, par ses personnages haut en couleurs et sa description d’un futur où le capitalisme néolibéral a gagné, ne gardant comme adversaires que des hackers ou des scientifiques aux allures de marginaux (personne pour ainsi dire). Dans Autonome, humains comme robots peuvent être asservis à un tiers, pour un temps donné (voire illimité). On fait aussi des expériences sur les clients, ainsi du Zacuity. Sans compter l’Afrique qui a vu sa population réduite des deux tiers à cause d’une épidémie…

Il y a de quoi flipper, cher lecteur, en lisant Autonome.

 

Des faiblesses à rectifier

Cependant, l’auteur a des faiblesses. En bonne hollywoodienne, l’auteur Annalee Newitz croit dans l’amour. Pourquoi pas d’ailleurs, cela ne distingue-t-il pas le mammifère du reptile ? Seulement cela vient comme un cheveu sur la soupe, dirait ma grand-mère qui n’avait pas sa langue dans sa poche. Donner un peu d’espoir à une telle dystopie est salvateur. Il faut éviter cependant le piège de l’amour qui arrange tout…

A essayer en tout cas.

 

Sylvain Bonnet

Annalee Newitz, Autonome, traduit de l’anglais (États-Unis) par Gilles Goullet, illustration de couverture d’Aurélien Police, Denoël, « Lunes d’encre », juin 2018, 325 pages, 21 euros

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