Napoléon, l’ombre de la Révolution
Un historien grand public
Déjà auteur des Téméraires (Flammarion, 2020), véritable Best-seller en France (cinquante mille exemplaires vendus), le belge Bart Von Loo revient ici avec une biographie de Napoléon… doté d’un véritable sens du récit, pédagogue, Bart Van Loo fait partie de la cohorte des historiens du dimanche à l’instar d’Alain Decaux autrefois et de Franck Ferrand aujourd’hui. On commence donc son Napoléon avec une certaine curiosité.
Un travail sur les sources…
Notons d’ores et déjà le sérieux du travail de Van Loo : il a épluché pas mal de sources dont les mémoires laissés par les contemporains (et ils furent nombreux, Chateaubriand en tête) qui se sont échinés à décrire le petit caporal. Il a aussi lu l’historiographie abondante (c’est le moins que l’on puisse dire) sur l’Empereur des français. De tout cela se dégage le portrait d’un homme et d’une époque qui séduit beaucoup les lecteurs ici et là, avec des portraits de seconds rôles plutôt « salés » (Fouché, Talleyrand) …
Et un problème d’interprétation
Sans surprise, à la suite de Jean Tulard, Bart Van Loo fait de Napoléon l’héritier de la Révolution. Un héritier qui a été formé, lui si Corse, dans les meilleures écoles militaires de l’Ancien Régime. Van Loo peint avec brio le moment révolutionnaire où le jeune Bonaparte hésite entre différentes postures et surtout entre la Corse et la France : on peut dire d’ailleurs que Paoli l’a aidé à trancher le nœud gordien. De là, l’ambitieux voit loin, très loin tout en sachant s’appuyer sur les hommes forts du moment : Robespierre (via son frère), Barras. On ne reviendra pas sur le récit de son ascension, bien décrit et fidèle, plus sur des détails ici et là qui font tiquer un peu. Van Loo dépeint un homme avide de conquête, atteint par l’hubris et la démesure, responsable du rétablissement de l’esclavage et de réduire la femme à une mineure… Au plan géopolitique, il mésestime la volonté anglaise d’abaisser et Napoléon et la France (mais sans la détruire, rien à voir avec le IIIe Reich). Et puis ces lieux communs sur Napoléon et le culte français du grand homme… Mais le problème est justement qu’il fut grand, Chateaubriand lui-même en convenait. Ce sont ses successeurs et ses suiveurs qui prospérèrent sur le mythe du grand homme : Boulanger pour le rire et Pétain pour le pire…
Cette biographie a des qualités et se lit bien mais il convenait de noter certaines limites.
Sylvain Bonnet
Bart Van Loo, Napoléon L’ombre de la Révolution, traduit du néerlandais par Mireille Cohendy & Isabelle Rosselin, Flammarion « au fil de l’histoire », octobre 2023, 592 pages, 29 euros