L’État contre les juifs, Vichy, les nazis et la persécution antisémite

Un spécialiste de la Shoah

Directeur de recherches au CNRS, Laurent Joly s’est fait connaître d’abord avec une biographie de Xavier Vallat en 2001 puis avec plusieurs livres portant sur l’implication de Vichy dans la Shoah, tels Vichy dans la solution finale (Grasset, 2006) ou L’antisémitisme de bureau (Grasset, 2011). L’État contre les juifs a été publié préalablement chez Grasset en 2018 et a été publié dans la collection « champs » de Flammarion. Une des questions posées par l’ouvrage est simple :  a-t-on sacrifié les juifs étrangers pour sauver les juifs français ? Plus largement quelle était la marge de manœuvre des ministres et des fonctionnaires français ?

La faute vichyste

Avec ce livre, on a la confirmation que non, Vichy, malgré la défense mise en place lors des procès de Pétain et Laval (et reprise aujourd’hui par certains), n’a pas fait ce choix de sauver des juifs français. Preuve en est que des juifs français sont déportés dès 1941, sans protestations. Vichy a en fait choisi l’antisémitisme d’état, un antisémitisme autochtone, très loin d’une volonté génocidaire. En même temps, cet antisémitisme vichyste a servi, à travers par exemple les fichiers du commissariat aux questions juives et de la préfecture de Paris, les projets nazis. Et tout cela servira en 1942 lors des grandes rafles.

Un État français pas très résistant…

Ce n’est que fin 1943, au moment où la guerre est à un tournant, que Vichy refuse la dénaturalisation collective des juifs naturalisés depuis 1927 aux nazis (alors que le projet était bouclé au début de l’année). En fait lorsque Vichy regimbe, à cause de l’opinion, les nazis acceptent des aménagements : la France est trop importante pour eux, économiquement et militairement. Par contre, si le débarquement avait eu lieu en 1945 au lieu de 1944, il est probable que plus de juifs français auraient été raflés et mis à mort à Auschwitz…

Une histoire encore à écrire

On apprend également que l’application des ordres de rafle ne fut pas la même partout : à Paris, certains commissaires font appliquer mollement les ordres reçus et des policiers préviennent des juifs.  D’autres par contre y mettent un zèle antisémite redoutable. Toute une histoire reste ici encore à écrire. On espère que Laurent Joly et d’autres continueront leurs travaux.  En attendant, lisez L’État contre les juifs.

Sylvain Bonnet

Laurent Joly, L’État contre les juifs, Flammarion, « Champs », octobre 2020, 384 pages, 10 eur

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