Le nouveau régime, l’impossible parlementarisme?
Maitre de conférences en droit public à l’université Paris II Panthéon-Assas, Benjamin Morel est aussi un habitué des plateaux télés qui, depuis la dissolution, octroient des cours de rattrapage en droit constitutionnel aux masses laborieuses. Après avoir publié l’été dernier Le Parlement, temple de la République, Benjamin Morel publie maintenant Le nouveau régime, toujours chez Passés composés.
La Ve République, un régime parlementaire qui s’ignorait !

Lire cet essai est très instructif. On y apprend notamment que la lecture « présidentialiste » n’est pas inscrite dans les textes mais dans la pratique du pouvoir. Le premier ministre a par exemple bien plus de pouvoirs propres que le président de la République. Ce sont le scrutin majoritaire et l’élection du président de la République au suffrage universel qui ont conforté la bipolarisation et le présidentialisme (tempéré autrefois par le référendum, aujourd’hui abandonné, on attend la suite). Aujourd’hui, avec une assemblée sans majorité, avec 25% de députés RN et 12,5 % de députés LFI, la Ve a des allures de IVe … sauf que la constitution protège l’exécutif, avec beaucoup de dispositions : le 49-3 n’est que le plus connu.
Une dérive illibérale ?
Cette évolution est-elle durable ou s’agit-il d’une parenthèse ? On pourrait imaginer en 2027 une majorité RN renouant avec une pratique présidentialiste. L’instauration du scrutin proportionnel, risquée (que va faire Bayrou à ce sujet) rendrait difficile la constitution de majorité claire. Benjamin Morel consacre un chapitre passionnant sur la possibilité d’une évolution de type illibérale. Il faut dire que nous avons eu cet été pendant près de deux mois un gouvernement démissionnaire, irresponsable devant le parlement mais qui a gouverné… deux mois. Les discussions budgétaires et le renversement du gouvernement Barnier ont soulevé l’hypothèse de l’utilisation de l’article 16 qui fait du président un véritable dictateur temporaire : mais est-il utilisable pour faire adopter un budget ? voilà tout le problème de la lecture d’un texte qui le détournerait de son but initial (assurer la gestion de l’état en temps de guerre ou face à une tentative de coup d’état comme en avril 1961). On est loin de cela en France pour le moment, mais l’illibéralisme progresse partout. A suivre en lisant cet essai qui pousse à réfléchir.
Sylvain Bonnet
Benjamin Morel, Le nouveau régime, Passés composés, février 2025, 145 pages, 16 euros