Le nouveau Pierre Pelot : une vision du Purgatoire, un enfer pour les braves gens !

Braves gens du Purgatoire, le nouveau Pierre Pelot, est encore un GRAND roman !

Dans le dernier opus (500 pages touffues !) de Pierre Pelot, le P majuscule de Purgatoire, a son importance. Adonc, dans Les Braves gens du Purgatoire, car tel est son titre, Purgatoire est le nom du village des Vosges où se cristallisent les histoires du roman paru chez Héloise d’Ormesson.

Je dis bien les histoires ! Car ouvrir un livre de Pierre Pelot, c’est pénétrer dans un grand charivari de voix, d’âmes et de corps. De folies. D’époques aussi. Cent ans, pour le moins, mais un pas-si-petit pays, pour sûr.

Mais pour le pays, cela fait lurette, qu’il est revenu sur la terre, SES Vosges. Une terre grasse et injuste parfois, mais si consubstantielle de lui-même. Loin des étoiles qu’il a côtoyé longtemps. Celle de sa SF, habitée et travaillée aux mots près, sous le pseudo de Suragne (1), dans la maison du Styx, ce Fleuve Noir qui charria en son temps de sacrées plumes sous des habits soie-disant populeux. Ou sous son nom propre, dans des cycles où les visions enragées n’avaient d’égales que les haîkus de poésie dont il parsemait ces textes. De cette époque, seul Michel Jeury et lui, ont confirmé un tel foisonnement, une tel tiraillement. En migrant, pareillement, dans des romans d’ici et maintenant, mais plus d’ailleurs et demain. Quoique…

un guetteur de temps et un pécheur d’âmes

À chaque lecture d’un roman de Pierre Pelot, on prend en pleine face ce style âpre et délectable d’un amoureux de la langue et des hommes. On se coltine avec les mots, un éboulis faussement sauvage. Comme le bonhomme. Atrabilaire, mais presque. Verbe haut et généreux. Trop ? Sans fioritures, en fait. Fort pour marquer la page comme un tableau, de matières ET de couleurs. Justes et directes. Croquer. Tenter par l’art, l’in-carnation littéral de ce qui le meut. Il est, viscéralement, écrivain ET peintre. Dans son envie, son besoin plutôt, de nous tremper aussi brutalement que lui, dans les tréfonds de ses images, de ses récits. De ceux qui surgissent du réel, ces rejetons cruels, sordides, ou magnifiques mais propitiatoires. Doux, aussi.

Car sacrifices, il y a toujours, chez Pelot. Et ici, Maxime a goûté à l’expiation, juste ou pas, de la mort de sa femme, de sa propre fin. Suicide, assassinat, folie, qu’importe le bâton pourvu que l’on ait l’hubris ! Les héritiers des lieux, les disciples des fardeaux, les confidents des mémoires, les secrets des familles, les dépositaires des sombres racontars, voir même des légendes de la vallée; tous courent vers ce seul but : survivre. Chez Pelot, le temps s’écoute !

photo DR olivier Roller pour Télérama

Un Bosch vosgien

Simon, écrivain reclus sans providence, Lorena, petite fillotte obtuse et vengeresse, sa cousine, seront au cœur de l’enquête et de la tourmente. Et aussi Michael, comme entre parenthèse, Justin, Mélanie, Quentin, grand loulou, Mamy Pie… La galerie issue de l’arbre généalogique aux surgeons tortueux, creusera des racines sur le meilleur des engrais. Car le fumier aide à pousser, on le sait, mais étouffe, aussi, à petit feu…Mais issue de Jessé, toujours, la figure christique, messie ou pas, sera sacrifiée.

Point de fils prodigues, de mères aimantes, de père protecteurs. Se débat, là, partout, en ce paysage changeant, qu’aucun pinceau ne peut capter, jamais, en une seule prise, la lutte profondément humaine des braves gens du titre. Celle qui déverse, en campagne comme en ville, dans les bouts-du-monde ou sur les ronds-points, une humanité déshéritée et consentante, victime et consanguine, mais aussi rédemptrice et bienfaisante.

Pour certains, vu de loin, Simon Clavin était ” un personnage “, pour d’autres, amenés à le côtoyer de plus près, c’était…toujours un personnage, mais de la catégorie des teigneux, de ceux qu’on a peur de croiser la nuit au coin d’un bois, qu’on pourrait trouver dans un fossé un jour d’hiver et qu’on y laisserait crever sans ralentir le pas. »

P 17

Michael se changea en individu ébouriffé du dehors comme du dedans, amputé d’une partie de lui-même, bricolé de toutes parts pour tenir encore debout. »

P 281

In fine, pente douce l’été ou âpre mont l’hiver, méchamment le dimanche ou doucettement la semaine, le chant du monde, cher au Giono lu par un personnage, que donne accroire ici Pierre Pelot, s’échappe et traverse votre âme. Entièrement.

Révérence et chapeau bas, Monsieur !

Et voilà que les jours, eût-on dit, n’en finissaient plus de se coucher. »

P 506

Marc Olivier Amblard

Pierre Pelot, Braves gens du Purgatoire, Éditions Héloise d’Ormesson, 508 pages, janvier 2019, 22 sur

Pour qui serait curieux d’explorer le versant imaginaire de Pierre Pelot alias Pierre Suragne, mais de son vrai nom Grodemange, se reporter à la ressource de Noosfère, plus que complète !

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