La fille qui se noie, le roman des âmes perdues
Une auteure intrigante
On a connu Caitlin R. Kiernan avec Les Agents de Dreamland, novella parue dans la très bonne collection « une heure lumière » qui fleurait bon l’horreur cosmique. Son roman La Fille qui se noie avait bénéficié d’une publication française en 2014, la collection Imaginaire des éditions Albin Michel a décidé de publier une nouvelle traduction, une deuxième chance pour un texte, on va le voir, très exigeant.
De l’écriture aux fantômes
Mon nom est India Morgan Phelps, mais presque tout le monde m’appelle Imp. Je vis à Providence, dans le Rhode Island ; quand j’avais dix-sept ans, ma mère est morte à l’hopital Butler « pour aliénés » -, situé au 345 Blackstone Boulevard, juste à côté du cimetière de Swan Point. La mention « pour aliénés » n’était peut-être pas bonne pour les affaires.
India, dite Imp, peint. Imp écrit aussi. Elle est aussi sous médicaments et est un peu instable : sa grand-mère et sa mère s’étant suicidées, elle fait attention. Elle rencontre Abalyn, une jeune femme qui a autrefois été un homme, et tombe sous le charme. Les deux femmes vivent ensemble, Imp va bien et a un roman en projet, perturbé pourtant par l’apparition un soir d’une femme dénommée Eva Canning. Apparition tellement étrange qu’elle se demande si elle n’est pas un fantôme. Mais Eva l’obsède, lui rappelle un tableau intitulé La fille qui se noie. Qui est réellement Eva ? Entre folie et réalité, Imp va entamer son roman en le nourissant de ses expériences et de sa quête d’Eva Canning, dont le passé recèle bien des pièges.
Un roman à clefs et foisonnant
La Fille qui se noie est un OVNI. L’auteure a bâti un récit complexe, avec différents niveaux de narration nécessitant l’attention du lecteur (ce qui est très bien et mérite d’être signalé, marre des romans simplistes). On décèle une influence du roman gothique, beaucoup de citations (dont Lovecraft, à la fois critiqué et validé) mais La Fille qui se noie est aussi une enquête d’Imp sur elle-même : suis-je folle ? Eva existe-t-elle ? Quelle est la frontière entre la mort et la vie le passé et le présent, la folie et la raison ? Au final, c’est une réussite non dénuée de poésie.
Sylvain Bonnet
Caitlin R. Kiernan, La Fille qui se noie, traduit de l’anglais par Benoît Domis, illustration de couverture d’Aurélien Police, Albin Michel Imaginaire, octobre 2023, 384 pages, 22,90 euros