Cao Bang, un désastre oublié

Un militaire historien

Officier supérieur et membre du Service historique de la Défense, Ivan Cadeau est aussi docteur en Histoire, spécialiste des guerres de Corée et d’Indochine. On lui doit un ouvrage passionnant sur la bataille de Diên Biên Phu (Tallandier, 2013), une synthèse très claire sur la Guerre de Corée (Perrin, 2013) où, peu le savent, un bataillon français a été engagé, et une biographe du maréchal De Lattre (Perrin, 2017). Il revient ici sur une bataille oubliée de la guerre d’Indochine, Cao Bang, où les troupes françaises furent battues nettement par le Viet Minh.

Une guerre mal engagée

Occupée par les Japonais dès 1941 et déclarée indépendante par eux en mars 1945, l’Indochine est réoccupée par les Français à compter de la fin 1945. La France va négocier pendant des mois afin d’arriver à un accord avec Hô Chi Minh préservant ses droits mais les maladresses de Thierry d’Argenlieu vont précipiter la rupture et la guerre. Et voilà l’armée française engagée dans une guerre coloniale lointaine, aux buts mal définis. S’agit-il de revenir à la situation de 1940 ? Ou d’avoir des états libres et « associés » à la France ? Ou de lutter in fine contre le communisme, comme les gouvernements l’affirment de plus en plus ? En tout cas, c’est l’enlisement, l’armée contrôlant juste des parties utiles du territoire, surtout dans le nord du Vietnam et Cao Bang en fait partie.

Une évacuation qui tourne au désastre

La victoire de Mao en Chine fragilise les positions françaises dans le nord du Vietnam et offrent une base arrière et un appui aux insurgés. Cao Bang est de moins en moins défendable mais l’état-major tarde à décider l’évacuation. Et le Vietminh, aidé par des conseillers chinois, lance une opération contre Cao Bang au moment où les troupes évacuent : c’est désastre, il y a des centaines de prisonniers français mais aussi vietnamiens ou marocains (des Tabors). Paris décide d’envoyer de Lattre (le maréchal Juin a refusé) qui rétablira la situation partiellement en 1952 mais sans que la métropole ait fixé ses buts clairement, une fois de plus. Ce désastre est la première marche vers celui de Diên Biên Phu. Excellente synthèse claire et documentée.

Sylvain Bonnet

Ivan Cadeau, Cao Bang, Perrin, juin 2022, 400 pages, 23 euros

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