Mona Ozouf, l’itinéraire d’une intellectuelle

Une des meilleures historiennes de la Révolution

De la chercheuse et historienne Mona Ozouf on peut dire, sans contestation possible, qu’elle a marqué son époque. Aux côtés de François Furet, elle a participé largement à une relecture critique de la Révolution française, loin des chimères marxisantes alors en vogue dans l’historiographie française. Auteur de La Fête révolutionnaire (Gallimard, 1976) et de La République des instituteurs (Gallimard, 1989) elle est aussi la codirectrice du dictionnaire critique de la Révolution française (Flammarion, 1988). On lui doit aussi un essai qui tient de l’ego-histoire voire de l’autobiographie, Composition française (Gallimard, 2009). Antoine de Baecque et l’écrivain Patrick Deville ont décidé de lui consacrer un ouvrage collectif, en hommage à son talent et à sa place éminente dans le milieu des historiens français.

Un ouvrage plein de richesses

Ce Portrait d’une historienne renoue avec une tradition de l’université française, celle d’offrir des ouvrages collectifs appelés « mélanges » aux professeurs émérites des universités. On y trouve des contributions de Mona Ozouf elle-même, dont Y-a-t-il une crise du sentiment national ? Elle y revient sur la persistance du fait national français, particulièrement au moment des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo. Elle y analyse combien cette nation française, qui s’est construite en partie en arrachant nombre de gens à leurs petites patries, garde cependant quelque chose d’universel et d’attachant, particulièrement dans son rapport aux femmes. Car la France, rappelle-t-elle, est le pays des femmes et d’une sociabilité particulière entre les sexes, chose qui choquera certaines et certains attachés aux folies du nouveau féminisme et de la théorie du genre. On lit aussi le compte-rendu de quelques tables rondes réunissant des historiens et des éditeurs, comme Pierre Nora, organisées autour des thèmes abordées par notre historienne. On y découvre ainsi qu’Antoine de Baecque a eu comme maître Miche Vovelle, c’est-à-dire l’adversaire intellectuel de Furet et Ozouf ! Tout cela apparaît bien loin aujourd’hui.

Une femme aux multiples talents

Historienne, Mona Ozouf est aussi une intellectuelle, par exemple passionné par le roman. On découvre qu’elle a publié un essai sur Henry James et qu’elle a publié dans l’Observateur pendant une trentaine d’années des comptes rendus de lecture et qu’elle fait partie du jury Femina. En elle se conjugue deux identités, la bretonne et la française, qui ont donc nourri son travail de chercheuse. Chapeau bas madame !

Sylvain Bonnet

Antoine de Baecque et Patrick Deville (sous la direction de), Mona Ozouf-Portrait d’une historienne, Flammarion, 320 pages, 22 eur

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