Lëd, Un thriller polaire et incandescent

Un écrivain dont on attend chaque livre

Auteur à succès de polars à succès, violents et survitaminés, qu’il aime situer dans des environnements exotiques et extrêmes, citons en exemple Mapuche (Gallimard, 2012), Condor (Gallimard, 2016) et  Paz (Gallimard, 2019), Caryl Férey quitte avec cet ouvrage l’Amérique du Sud pour la Sibérie… et Gallimard pour Les arènes où il retrouve la collection « Equinox » dirigé par Aurélien Masson. Voici donc notre auteur qui plante sa tente littéraire en Russie à proximité du cercle polaire, un changement d’environnement qui va nourrir sa vision du monde comme on va le voir.  

Bienvenue dans l’enfer blanc

Taureaux furieux dévalant le cirque de la péninsule de Taïmyr, des vents de deux cents kilomètres/heure interdisaient tout mouvement depuis trois jours, figeant le Titanic industriel de Norilsk dans la glace. Un ouragan qui teintait la nuit polaire d’une couleur pourpre presque irréelle. Gleb Berensky observait le monstre sibérien derrière le triple vitrage de l’appartement, en fascination et effroi. – 64 °C affichait le thermomètre de la mairie.

Norilsk est une cité minière édifiée par le pouvoir soviétique et peuplée de descendants de prisonniers du Goulag. L’hiver rude est une occasion pour Gleb, photographe amateur, de prendre des clichés renversants… et de voir un toit d’immeuble s’effondrer, révélant le cadavre gelé d’un éleveur de rennes dont on ignore depuis combien de temps il est là.

Boris Ivanov, flic taciturne arrivé d’Irkoustk après une enquête sur un juge corrompu, reprend l’affaire. Ses investigations vont le mener tout près des patrons de l’entreprise minière et du pouvoir, le mettant en danger. Et puis il y a les autres comme Gleb, qui fait tout pour cacher son homosexualité (très mal vue dans la Russie de Poutine) et la belle Dasha, folle amoureuse de lui. Leurs vies sortiront changées.  

L’horreur glacée du monde

Caryl Férey nous a habitués à des romans âpres, violents et relevant d’une vision assez désespérée du monde actuel. Lëd s’inscrit complètement dans son œuvre, si l’on peut dire avec un petit plus. Il nous transporte en effet dans la Russie de Poutine, finalement très méconnue et sur laquelle plane bien des fantasmes. On découvre un pays hanté par son passé soviétique, le goulag et par des groupes violents manipulés par un pouvoir mafieux. Quant aux personnages du roman, déjà marqués par la vie, ils tentent de survivre et de s’aimer, au moins un temps.

Voilà donc un thriller qui se termine au final en roman noir. Très bon.  

Sylvain Bonnet

Caryl Ferey, Lëd, Les arènes, 2021, 523 pages, 22,90 eur

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