Qu’un sang impur, chronique de la fin du monde
Une valeur sûre du polar français contemporain
Auteur du Carnaval des hyènes (Ombres noires, 2015), violente critique des médias français, et de Bienvenue à Cotton’s Warwick (Ombres noires, 2016), Michaël Mention s’est distingué ensuite avec Power (10/18, 2019) et surtout Les Gentils (Belfond, 2023), roman très « prenant » comme on dit. Qu’un sang impur s’aventure sur des terrains nouveaux comme on va le voir.
Quand tout se détraque
Paris, de nos jours, Matt fume sa clope à sa terrasse préférée et :
« Surprend un moineau en plein envol et le suit du regard en direction des platanes… dont les feuilles tombent instantanément. Toutes les feuilles de tous les arbres. Flash onirique, qui arrache Matt au réel. Il retire ses airpods, se tourne vers la table voisine où un couple poursuit sa conversation. Ils n’ont rien remarqué ; personne. Lui seul a vu. A cru voir. Hallucination sans doute due à la fatigue. Sauf que l’image perdure, que les branches des arbres sont nues. Ici, là-bas, partout, les trottoirs sont tapissés d’un puzzle jaune-brun et certains le constatent enfin, éberlués. Matt échange un regard avec Ange, tout aussi intrigué, quand tonne un vacarme surpuissant. Bagnoles déplacées. Tuiles balayées. Passants projetés au sol. »

Matt pense à sa famille et court ensuite comme un dératé prendre un train pour rentrer chez lui. Il réussit, retrouve sa compagne Clem et leur fils. Calfeutrés, ils voient le président (Macron ?) la télé parler de catastrophe, volcan en éruption ou éruption nucléaire, là-bas à l’est, les Russes ne sont pas nets. La peur les étreint, l’angoisse grimpe. Mais finalement, ce n’est rien, pas de guerre, pas de catastrophe nucléaire, Matt et ses voisins font la fête. Le lendemain, gueule de bois. On fait les courses mais on voit certains qui bavent dans les rayons… pour se jeter à la gorge de paisibles passants pour les dévorer. Matt emmène Clem et leur fils en courant, regagnent leur immeuble ; lui et les voisins le calfeutrent. Le président (intérimaire, donc le président du Sénat, Larcher, pouffons) décrète un confinement devant une épidémie qui transforme les gens en cannibales… Et la panique règne dans l’immeuble de Matt, rapidement assiégés par les cannibales.
Un roman de l’effondrement
Qu’un sang impur emprunte nombre de thèmes à la littérature consacrée aux zombies et à la collapsologie pour mieux d’intéresser à l’étude d’une petite communauté confinée dans un immeuble et tout y passe : la famille musulmane, la famille bobo incarnée par Matt et les siens, la complotiste Chantal, un écrivain raté… Tous vont vivre un moment qui les mènera au bout de leurs limites tandis que le virus les menace. C’est fort et intense. A la mode aussi. Ce roman plaira, même si on n’a rien appris de nouveau sur l’état de notre commune humanité.
Sylvain Bonnet
Michaël Mention, Qu’un sang impur, Belfond, mars 2025, 336 pages, 20 euros
