A sa manière, dans les méandres de l’inceste

Une auteure qui a trouvé sa voi(x)e

Lorsque j’ai (enfin) mis à jour ma PAL et fait le tri des (trop) nombreux romans que j’avais à croquer, mon plaisir de la journée est d’avoir remis la main sur A sa manière, de la très talentueuse et adorable Loana Hoarau.

Cette femme est de celles que je rêve d’écraser le matin : belle, brillante, pluridisciplinaire, et d’une gentillesse indécente. Puis elle fait partie d’un groupe de métal, rien que ça me rend jalouse à crever ! 

A sa manière n’est pas son premier roman, mais c’est celui par lequel j’ai découvert Loana. Et quelle claque !

Le calvaire de Lauri

L’histoire est celle de Lauri, petit garçon, qui raconte sa vie à travers un journal intime. Ce journal va nous permettre de découvrir l’horreur qui va se tisser très rapidement autour de lui, et le broyer telle une machine infernale.

Les années vont passer, et nous allons voir l’évolution de ce petit bonhomme jusqu’à son dénouement, que l’on sait d’ores et déjà funeste, mais Loana nous réserve surprise après surprise, et la fin nous glace le sang.

L’écriture est d’abord enfantine, mais derrière ces mots d’enfant, l’on soupçonne déjà une violence latente, un animal tapis dans l’ombre, prêt à bondir sur Lauri et sur le lecteur. Elle nous emmène, nous souffrons avec cet enfant, nous voulons crier au monde ce qu’il subit, mais les mots nous manquent. Loana, elle, en a à revendre.

Loana fait la prouesse de nous faire grandir avec son enfant, sa pensée évolue avec la nôtre, nous vivons absolument tout de son calvaire. 

Le silence pire que les cris

Aux yeux des lecteurs traditionnels, même amateurs de sensations fortes, ce roman peut paraître glauque à souhait, j’en conviens. Pour ma part, je l’ai parcouru avec des yeux quelque peu différents, à la lumière de ma fonction de flic. 

En effet, le sujet est déjà insupportable pour beaucoup, puisque l’on parle de violences, de violences psychologiques, de drame familial, et plus particulièrement d’inceste. Inceste. Ce mot qui n’apparaît dans le texte que de façon rarissime, et au moment opportun, celui où la nécessité  de mettre un mot sur une infraction pénale devient inévitable.

Un documentaire sur l’horreur

Loana a su faire vivre au lecteur le calvaire d’une victime qui finalement s’ignore, ce qui est particulièrement réaliste. Au-delà du roman, moi j’y vois un témoignage que ces victimes silencieuses auraient pu livrer, d’où mon emploi du mot documentaire. Un enquêteur aura au moins une fois dans sa vie croisé le chemin d’une victime de ce genre de faits, et sera rentré chez lui bouleversé par ce qu’il a découvert de cette tranche de vie livrée à la justice. Loana a su faire garder sa dignité à Lauri tout le long de son histoire, malgré les horreurs qu’il a dû endurer.

A sa manière n’est pas pour tout public, l’auteur ne s’en cache pas. Elle m’a touchée, par son réalisme et sa pudeur, car aborder ce sujet sans faire preuve de voyeurisme est un exploit. A sa manière, fait partie de ces livres qui vous marquent à vie, vous fait ouvrir les yeux, et relativiser sur bon nombre de choses.

Une chose est sûre, mon tête-à-tête avec Loana Hoarau est loin d’être terminé.

Minarii Le Fichant

Loana Hoarau, A sa manière, mai 2019, auto édition ELP éditeur, mai 2019, 182 pages, 9,50 eur

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