Feedback, l’ivresse pour fuir la vie
Rocker, alcoolo…
Autrefois, Marcin Kania était bassiste dans un groupe de rock. La belle vie, les concerts et un tube, « Je t’aime comme la Russie », qui passe encore à la radio de nos jours. Mais la roue de la vie a tourné, Marcin a arrêté la musique. Marié à une chanteuse, Marta, il a eu deux enfants et vit bien grâce aux royalties de son tube et aux loyers qu’il touche des nombreux appartements qu’il a acheté pas cher dans Varsovie. Surtout, Marcin boit. Beaucoup. Depuis très longtemps en fait. Il aime l’ivresse, il aime le goût de l’alcool et les sensations qui vont avec. Un vrai alcoolique, y compris dans les périodes où il ne boit pas. Marta est partie mais il lui reste encore des minettes à baiser.
Un fils qui disparaît
J’ai rêvé que je buvais. J’étais au milieu de la rue, devant un centre commercial, nu comme un ver, même si ça n’avait en fait pas trop d’importance. Les autres ne le voyaient pas, et ça ne me faisait ni chaud ni froid. J’étais tout simplement à boire dans un verre avec des glaçons une vodka Wyborowa, de la meilleure, qualité export.
Le voilà avec son fils Piotr qui veut dîner avec lui. Mais le lendemain, Marcin ne se souvient pas de tout, il avait bu. Beaucoup, comme il le raconte. Seulement, Piotr a disparu. Marta, dont il est séparé s’inquiète. Marcin commence à remuer ciel et terre pour le retrouver, craignant le pire. Il découvre que son fils s’intéressait aux magouilles immobilières à Varsovie et ailleurs… Et a fréquenté quelques connaissances de Marcin. Que cherchait-il ? Qu’a découvert Piotr ? Plus il avancera dans son enquête, plus le pire se réalisera pour Marcin.
Un roman difficile à apprivoiser
Lire Feedback est une expérience ardue. On plonge en effet dans la psyché de Marcin, complètement accro et au bord de la folie, avec pas mal de flashbacks sur sa vie. Feedback est aussi une vision acerbe de la Pologne post-communiste et des mafias qui gangrènent la société (et puis reste un antisémitisme diffus et tenace, étonnant vu le faible nombre de juifs). Marcin, cependant, n’en finira pas de payer son écot à ses démons… Au final, c’est une lecture difficile mais un vrai roman noir. Bravo à Jacob Zulczyk.
Sylvain Bonnet
Jakub Zulczyk, Feedback, traduit du polonais par Erik Veaux et Kamil Barbaski, Rivages, mai 2023, 544 pages, 25,50 euros