Paz, tragédie colombienne selon Caryl Férey

Un auteur phare du polar français

Caryl Férey s’est imposé depuis une vingtaine d’années comme un maître du polar français, d’abord avec Utu (Gallimard, 2004) qui a remporté le prix SNCF du polar, puis avec Zulu (Gallimard, 2008) qui a remporté en 2008 le Grand prix de littérature policière. Grand voyageur, il aime livrer des romans ancrés dans des pays étrangers, notamment l’Amérique latine : il est ainsi l’auteur de Mapuche (Gallimard, 2012) qui se déroule en Argentine, et de Condor (Gallimard, 2016). Paz ne déroge pas à cette règle car il se déroule à Bogotá en Colombie 

Deux frères dans la guerre civile 

Lautaro Bagader est flic, ancien des forces spéciales. Son boulot est simple, maintenir l’ordre dans une ville, Bogotá, marquée par la guerre civile avec les FARC et la violence des narcotrafiquants. Pour se détendre, Lautaro aime les filles d’un soir, chopées sur Tinder ou autre. Il se les tape, cela lui suffit et basta, pas d’affection, rien surtout quand son équipe l’appelle : 

– Il faut que je file, la pressa-t-il. Un problème urgent. Allez, debout.

La fille machait ses mots, qui n’avaient pas l’air très bons.

 – Je claquerai la porte en partant, marmonna-t-elle, le visage enfoui dans l’oreiller.

– Pour que tu choures ce qui traîne, merci. Maintenant, remue-toi.

Diana se redressa enfin, le visage embrumé. 

– Dis donc, pour qui tu te prends ?

– Saute dans sa culotte, Cendrillon : on part dans trois minutes, le temps d’une douche.

 

Et Lautaro quitte sa compagne d’un soir, un peu méprisant. Il faut dire qu’il doit s’occuper d’un meurtre particulièrement répugnant, une femme démembrée. Lautaro est le fils de Saul Bagader, un ponte dans la politique colombienne. Il est surtout le frère d’Angel, le bel Angel, celui a choisi la révolution et les FARC. Après quelques années de prison et un compromis avec sa famille, il est devenu Orlando Mercer et essaie de refaire sa vie. Tous ne savent pas que Diana, le coup d’un soir, est journaliste. Vexée, elle va se rancarder sur Lautaro, sa famille, au moment où les meurtres se multiplient : la Colombie n’en a pas fini avec son passé… 

Dur, noir et violent 

On trouve beaucoup de choses dans Paz. C’est un drame shakespearien entre deux frères qui s’aiment et se détestent. On peut y voir aussi une peinture de la Colombie contemporaine, toujours en proie à des guerres civiles endémiques et à un trafic de drogue destructeur mais imbriqué dans le système néolibéral mondial.

Lire ce livre est parfois une épreuve tant l’auteur se plaît à décrire certaines scènes atroces (mais avec talent). Paz secoue le lecteur. Une preuve de plus du talent de Caryl Férey. 

Sylvain Bonnet 

Caryl Férey, Paz, Gallimard, « Série noire », octobre 2019, 544 pages, 22 eur

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