Des poignards dans les sourires

On dit souvent d’un polar qu’il est chabrolien quand un événement extérieur vient rompre la fausse unité d’une famille. Et d’autant mieux si elle est provinciale et bourgeoise. Quand le feutré est montré au grand jour et que tout s’écroule parce que plus rien ne peut être retenu. C’est le pari de Cécile Cabanac qui, dans Des poignards dans les sourires, dévoile les lourds secrets de la famille Renon.

Un fils de famille

François Renon a disparu. Alors que sa mère se ronge les sangs, Catherine, sa femme, semble soulagée. Les deux sœurs de François s’inquiètent, mais en profitent pour dire ses vérités à leur mère dont l’attitude leur montre, encore, que François était tout et elles rien. Soulagement pour les uns, drame pour les autres. Est-il parti avec l’une de ses nombreuses maîtresses ? Est-il simplement encore ivre dans quelque tanière ?

Au même moment, un tronc démembré est retrouvé en haut du col des Goules (si bien nommé…), partiellement brûlé. Deux enquêteurs sont chargés de l’affaire, Virginie Sevran ancienne du Quai des Orfèvres, et Pierre Biolet, le régional de l’étape. Ils vont devoir identifier la victime et comprendre comment elle a pu subir un tel acharnement. Leur enquête va servir à dévoiler encore un peu plus les secrets des uns et des autres…

Puissance de l’absence

Les relations distendues entre les uns et les autres se compliquent au fur et à mesure que les secrets sont dévoilés. Les enquêteurs en découvrent au moins autant que les confidences familiales, pleines de fiel… Les révélations sur la vie de François, sur l’origine du succès de l’entreprise familiale, sur le fondateur, sur les vies à-côté, font tomber les masques. François était au centre de cette famille décousue, de son vivant, mais c’est encore plus marquant à sa disparition.

J’écoute les uns et les autres, je les regarde se positionner sur l’échiquier. Dans ces familles, où on a toujours tout mis sous cloche, caché les cadavres dans les placards… on profite souvent d’une enquête criminelle pour faire le ménage, régler les comptes… A nous de ne pas être dupes… »

La valeur actantielle d’un personnage n’est pas liée à ses actions. Comme Thésée dans Phèdre de Racine, François Renon est le point central autour de quoi tout s’agite, tout se dénoue. Les mystères de sa mort vont se lier à ceux de sa vie.

Empruntant son titre à Shakespeare (MacBeth, cette tragédie de la folie familiale…), Cécile Cabanac sait prendre son lecteur et lui faire suivre les petits pas de son duo d’enquêteurs. Malgré quelques tics de langage (trop de personnages sont « rondouillards »…) et quelques maladresses, Des poignards dans les sourires montre combien ses années de journaliste spécialisée dans les dossiers criminels l’ont formée à construire une dramaturgie prenante aux rebondissements riches et aux fausses pistes multiples.

Loïc Di Stefano

Cécile Cabanac, Des poignards dans les sourires, Fleuve noir, février 2019, 471 pages, 19,90 eur

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