Herbier des collines et des chemins, ethnobotanique de la Basse Provence
L’ethnobotaniste Claude Siméon évoque d’entrée un souvenir d’enfance : le dimanche il allait à la campagne, pour une promenade fructueuse :
Tout était prétexte à la cueillette : asperges, mûres, thym, romarin, fenouil, sauge…
Le tout sauvage et bien vivace, cueilli au bord des chemins. De même son grand-père rapportait à la maison des salades sauvages que sa grand-mère faisait cuire : effet diurétique garanti, dit-il !
Voilà comment nait une vocation.
Cinquante ans après

Depuis ce temps d’enfance, Claude Siméon a collectionné les plantes de Provence, constitué ses herbiers, recueilli auprès des habitants les anciens usages locaux… Ce qui nous vaut aujourd’hui ce magnifique album recensant cent cinquante plantes sauvages illustrées de deux cent cinquante photographies en couleur, dont des images de l’herbier que l’auteur a lui-même réalisé.
La pratique populaire, explique l’auteur, consistait à cueillir autour du village des plantes d’espèces différentes. On cuisait ensemble les bien connues chicorée, pissenlit, pimprenelle, blette et mâche, mais aussi l’allaire, la barbarée, l’épilobe aujourd’hui oubliés… suivant le dicton « Mange salade, jamais malade ! ».
Il rappelle les vertus du coquelicot, dont la fleur s’apparente à la crête du coq, d’où son nom : on lui reconnait des propriétés sédatives, expectorantes et adoucissantes. Son latex contient des alcaloïdes. Ses pétales sont riches en tanins, mucilages et anthocyanes, elles font partie de la tisane pectorale… ceci donné à titre d’exemple des descriptions proposées par l’auteur.
Les propriétés astringentes de la pimprenelle permettaient de raffermir la peau, mais aussi de lutter contre la « cagagne » (la diarrhée). Il faut prendre le pissenlit au mot : c’est un puissant diurétique, gare aux matelas !
Par les champs et les chemins
On (re)découvrira les vertus d’une trentaine d’arbres, celles aussi des toxiques belladone, cigüe, datura, etc…. qu’il vaut mieux reconnaître. À consommer avec modération ! Connaissant les dosages, la moniale Hildegarde de Bingen (1098-1179) prescrivait la belladone comme antidouleur.
Une grande partie du livre est consacrée aux herbes des champs, des chemins et des jardins, d’où le titre du livre. Plus de soixante-dix d’entre elles sont ici répertoriées. Claude Siméon s’est intéressé à l’orchidée, au point de donner des conférences intitulées « Les orchidées et les hommes, une histoire parallèle ».
Selon lui, notre ancêtre préhistorique consommait déjà ses bulbes… qu’on appela « couillons » ! C’est que l’on a trouvé aux bulbes une allure des testicules… avec une distinction fondamentale : les bulbes pleins et gonflés donneront des petits garçons pour peu qu’une femme en mange, ils sont aphrodisiaques ; les plats et ridés une petite fille, ils sont anaphrodisiaques… Ainsi allait la distinction des genres… L’érotisme de l’orchidée n’est pas que souterrain : sa fleur ressemble à un sexe féminin ! Est-ce pourquoi elle a tant de succès ? De plus, elle mime la femelle de la guêpe, son odeur attire les guêpes mâles – on pourrait dire en vue de la pollinisation s’il y avait un dieu ordonnateur des choses de la vie. Les orchidées domestiquées, c’est à dire industrielles, que l’on trouve chez le fleuriste ne renvoient plus à ces débauches : on les reproduit, plus sagement, par clonage.
L’album est ainsi truffé de descriptions et de rappels historiques que l’auteur a puisé aussi bien chez des passeurs tels que les bergers que dans les sources écrites, de Pline l’Ancien à Frédéric Mistral. Il nous invite à repenser le lien que nous nourrissons avec nos amies les plantes.
Mathias Lair
Claude Siméon, Herbier des collines et des chemins, Actes sud, mai 2025, 432 pages, 33 euros