Pour Napoléon, l’héritage du grand homme

Le spécialiste du Premier Empire face aux critiques

Directeur de la fondation Napoléon, Thierry Lentz est l’auteur de biographies remarquables, comme celle de Joseph Bonaparte (Perrin, 2016), et d’une Nouvelle histoire du Premier Empire (Fayard, 2002-2010) qui a fait date. Homme pondéré, Thierry Lentz a fini par s’agacer des critiques venant des milieux décoloniaux, indigénistes et d’une partie de la gauche intellectuelle contre  Napoléon et la célébration du bicentenaire de sa mort. En cause ? Le rétablissement de l’esclavage, la fin de la République et les guerres. C’est oublier tout le reste…

Napoléon, le fondateur ?

Thierry Lentz, par une série de chapitres clairs, courts, incisifs, démontre bien l’importance des réformes de Napoléon : départements, préfets, lycées, cour des comptes, code civil, code pénal, conseil d’État, n’en jetez plus. Au-delà de la création d’une dynastie et de l’ego d’un homme surdoué qu’on peut qualifier sans nul doute de génie, Napoléon apparaît bien comme le continuateur de la Révolution. Il emploie d’ailleurs nombre d’entre eux, au premier rang Talleyrand, Fouché et Cambacérès.

Il apparaît donc évident que le Consulat et l’Empire ont été des étapes décisives dans la construction de notre France contemporaine, un moment de stabilisation de la Révolution qui bénéficia d’un large soutien, du moins jusqu’en 1813-14. Par son héritage, Napoléon est effectivement toujours en nous.

La question du rétablissement de l’esclavage

Autrefois, c’étaient les guerres qu’on reprochait à Napoléon, oubliant que beaucoup furent imposés par l’Angleterre, désireuse de vaincre la France révolutionnaire, héritière de celle de Louis XIV, afin d’asseoir son hégémonie coloniale et maritime. Maintenant, c’est surtout le rétablissement de l’esclavage qui pose problème, à raison d’ailleurs. Thierry Lentz d’ailleurs ne conteste pas que ce fut une erreur tragique, surtout pour celui qui avait libéré les esclaves à Malte : Napoléon se reniait. Par contre, il contextualise cette décision, prise non pas au nom d’un racisme idéologique visant l’extermination comme l’a écrit Claude Ribbe, mais au nom du rétablissement de l’économie de Saint-Domingue… c’est d’ailleurs un des seuls regrets que Napoléon formula à Sainte-Hélène.

En fait, il ne faut ni être pro, ni anti-napoléonien, juste étudier l’histoire et comprendre les choses dans leur contexte : voici la leçon de Pour Napoléon, un essai stimulant.  

Sylvain Bonnet

Thierry Lentz, Pour Napoléon, Perrin, mars 2021, 200 pages, 15 eur

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